Chinoiseries dans l’université bling bling: le quai Cissé Bacongus, quai des Indignes

2 mai 2015

Chinoiseries dans l’université bling bling: le quai Cissé Bacongus, quai des Indignes

« Le spectre de la mort rôde autour de là, là où on essaie de sauver des vies. Il y a l’entrée d’une faculté de médecine, la sortie d’une morgue de CHU, l’entrée d’un hôpital universitaire, la devanture de trois groupes d’Eglise : méthodiste, catholique et évangélique. Tout est bon pour que la mort se balade, flâne… » (Extrait de La première ordonnance du médecin Président, Nouvelles en cours de finition)

Qui connaît Alpha Blondi ? La méga star du reggae ivoirien. Sa chanson à propos des accidents sur le sujet le boulevard VGE résonne en écho quand on se retrouve devant l’édifice rocambolesque. Le quai ou la gare de bus SOTRA, le plus scandaleux de l’histoire de notre Université dans son contexte d’émergence. Sa construction a nécessité de mettre au dehors de l’enceinte de l’université UFHB les étudiants, de les soumettre aux aléas du temps, de troubler la quiétude des malades du CHU, la tranquillité des écoles méthodistes. Il fallait montrer aux étudiants que le régime avait changé. Il fallait  aussi leur en vouloir pour les exposer à tant de déboires, tant d’inconfort, tant d’humiliation. Le ministre Cissé Baconco, maître à penser de l’université du « départ nouveau » devrait être animé d’une rengaine amère contre la gente estudiantine pour prendre cette décision.

Avant la crise et en prélude à la Coupe du monde 2010, MTN avait réhabilité cet espace. Il était nickel. L’Etat pouvait faire des économies en l’épargnant dans son projet de réhabilitation. D’ailleurs, il n’y avait absolument rien à retoucher là, car tout venait à peine d’être refait. Le sol, les hangars. Tout était beau et Yello. Les amoureux pouvaient même le choisir comme premier lieu de RDV avec leur nouvelle trouvaille (c’est valable pour toutes les directions). Mais il fallait bien justifier les dépenses. Il fallait dire à quoi l’argent a servi. Il fallait donner une raison de travail à la société qui a raflé l’appel d’offres. Le coin a été rasé, dégoudronné et regoudronné. Un préau abritant des bornes de recharge électrique y a été construit. L’édifice est tellement minuscule que les vigiles affectés à sa surveillance s’ennuient à mourir. Aussi, faut-il noter que les concepteurs de l’université du « nouveau départ » ont estimé que les étudiants n’avaient pas besoin de tant de privilèges, de tant de luxe, de tant d’amour, de tant de confort. Il fallait les booter en dehors de ces beaux lieux tronquez pour un abri de deux splendides bus bleus offerts par Bolloré à la Côte d’Ivoire pour dire merci. Merci d’avoir obtenu un autre marché juteux. On présume que chacun des acteurs ivoiriens en recevra les gouttes dans un compte caché quelques part. Une part de la commission. Une part du win win.  On se croirait dans les récits gênants de Pierre Péan.

Les Blue bus

Deux bus bleus aux belles sonorités occupent désormais la place de l’ancien quai. Là où des milliers d’étudiants se retrouvaient pour expier leur galère dans l’attente des bus. La FESCI n’aura plus l’occasion d’y démontrer ses talents timocratiques cachés d’une armée de réserve du pouvoir défait par les urnes et les armes en 2011. Les petits vendeurs n’auront plus l’occasion de proposer leurs historiettes aux étudiants déjà paumés par le système qui les oblige à photocopier et à acheter des fascicules. Désormais, il faut traverser ce désert brûlant pour rejoindre le quai d’embarquement et débarquement, situé à l’autre bout du Boulevard des universités et admirer au passage, le mouvement de va- et-vient des Blue bus offert gracieusement par la société Bolloré à la Côte d’Ivoire, en reconnaissance des marchés obtenus. Pour 2 bus, toujours immatriculés comme des véhicules ordinaires, on ne sait pourquoi, alors que tous les véhicules qui portent le nom de l’université ont une plaque jaune et sont immatriculés D45 ;  il y a eu une cérémonie digne de l’époque Mobutu. Le président de la République y était him self avec toutes les institutions et l’armada de protocoles, de voitures, de logistique… pour réceptionner le minuscule, mais symbolique cadeau. Imaginons les dépenses que cette présence a dû engendrer.

Les restes d'un bric à brac monté à la hate (Ph.ABC)
Les restes d’un bric-à-brac monté à la hâte (Ph.ABC)

Au début, on exigeait 100 FCFA pour le trajet. Les étudiants déjà énervés par les réformes longues et incongrues, les augmentions injustifiés, les manques d’infrastructures, la chaleur, la faim, la soif, préféraient marcher et substantiellement économiser 100 FCA. Bagatelle mais nécessaire somme pouvant acheter un gbozon. Les bus chômaient. Ils circulaient vides et en ordre comme dans un aéroport. Personne n’y prêtait attention. Ceux qui les empruntaient étaient considérés comme des privilégiés, des paresseux, ou des curieux qui voulaient juste goûter au confort de ces machines de luxe et dont on ne sait la pérennité réelle. Un jour, le bon Allah, dans sa compassion et sa mansuétude a touché le cœur des autorités qui avaient fixé les règles afin qu’elles se ravisent et comprennent qu’elles exagèrent un peu et que même si la raquette était revenue en force à tous les niveaux de l’Etat, les étudiants n’étaient pas le bon public. Alors les bus bleus sont devenus gratuits. Les étudiants s’y bondent, surchargent sans que les conducteurs, plutôt occupés à faire le faro au volant de ces bolides de bijoux, ne soient rigoureux en matière de respect de limitation de place. On imagine un peu la durée de vie de ces engins, qu’on ne répare que dans les entrepôts de Bolloré à Vridi.

Le quai très prêt émergent

Les étudiants ont été éjectés de l’enceinte de l’université, certainement pour dire qu’on ne veut pas de vous. Durant des mois, ils s’agglutinaient sous soleil, pluies, le long de l’Université méthodiste de Cocody et souvent à l’entrée des urgences du Centre hospitalier et universitaire de Cocody. Les directeurs de ces établissements se sont plaints. Pour l’un, le bruit devrait indisposer les enfants du primaire du CMP, empêcher les parents de garer convenablement pour déposer et reprendre les enfants. Pour l’autre, le patron du CHU, la position devant un hôpital de ce renom et de surcroît le partage du parking de l’entrée des urgences avec des bus de la SOTRA n’étaient point commodes pour les malades et même pour les étudiants eux-mêmes qui en cas de colère de la nature ne pouvaient trouver d’abris.

Des Etudiants attendent le bus au nouveau quai (Ph.ABC)
Des étudiants attendent le bus au nouveau quai (Ph.ABC)

Le ministre fit la sourde oreille. Digne et juste attitude pour lui certainement de rééduquer les étudiants à la discipline, de leur faire comprendre l’âpreté de la vie qu’ils n’ignorent point déjà et que cela faisait partie des conditions pour espérer un jour réussir ; ou qu’à la sortir de ces épreuves, les pauvres étudiants feront preuve de discipline, de respect, qu’il seront doux comme des chevaux récifs pacifiés ou des FRCI satisfaits après le versement de milliards d’arriérés dans leurs comptes bancaires… Résultats : des pieds cassés, des bras coupés, des morts au cours des bousculades pour avoir une place dans le bus. Et comme d’habitude,  ils sont arrivés dans leurs bolides avec des faux airs compatissants promettant le meilleur dans l’avenir, avec leurs cortèges bruyants. Que fut ce meilleur ? Même endroit, des appâtâmes métalliques ont été construits. Gauche assemblage de fer, de tôle et de béton. Une gare fabriquée à la hâte et avec beaucoup de faux sérieux qui s’est écroulée aussi vite et avec la même vitesse prise pour sa construction. Encore une chinoiserie qui sabote le beau projet du président AlasscO. Le sait-il ? Qui sait ? A force de penser pour les autres, j’ai raté tous les bus. Même le dernier ne viendra plus. Retournons squatter au campus. Bien avant, il faut se remplir la panse. A quelle sauce sera-t-on mangé ?

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Commentaires

FBI
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Ah, que nous vaut l'honneur de ce déchaînement !
Merci pour la qualité d'écriture de ce billet (3ème partie). A travers cette série d'article, je vois que tout n'est pas beau à l'UFHB d'Abidjan? Que derrière ces murs peints et repeints, il y a trop de choses impropres. J'ose croire que tes écris vont sonner l'alerte, afin que nos chers autorités s'y penchent sérieusement pour mettre fin à la saignée.

A.B. Ladji Coulibaly
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Il n' y a point de dechainement. point d'aigreur. Rien que description de là ou nos frangins vont chercher l'espoir. on nous a blagué, on nous blague. Et la vie continue en Afrique. Sais tu comment les étudiants mangent sur les campus? A bientot. au restau du coeur

Benjamin Yobouet
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C'est toujours un plaisir de te lire surtout quand tu abordes : "Chinoiseries dans l’Université bling bling..."

Je suis tenté de rire au fil des lignes. Mais , il ne le faut pas parce que bien qu'ironique ton billet dépeint la vraie réalité de l'Université de Côte d'Ivoire. Que c'est triste, triste pour notre pays qui dit-on tend à l'horizon 2020.
Horizon 2020? Avec TOUT ça? On est tous impatient d'y arriver pour VOIR.

Puisse Dieu nous accorder logue vie. Courage aux braves étudiants...
Cordialement !

A.B. Ladji Coulibaly
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Ha voila un fait...Tout ce qui brille n'est pas de l'or. On nous blague. On avale parce qu'on n'as pas le choix. Sait-tu comment et quoi les étudiants mangent au RESTO? à bientot.

christ Koffi
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Merci pour ce billet qui met le doigt sur les plaies du départ nouveau !
Bonne continuation !

A.B. Ladji Coulibaly
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Yep