Création d’association en Côte d’Ivoire : la DGAT, un véritable obstacle

Et si on demandait à la DGAT de libérer les porteurs de projet d’association ? Question ou exclamation à l’ivoirienne ?
Le processus d’enregistrement d’une association et/ou d’une ONG en Côte d’Ivoire – ou de légalisation de son existence – est similaire à un parcours du combattant dans un circuit incertain. Les étapes aussi mal définies les unes que les autres, les délais d’attentes incertains, les lourdeurs administratives, le manque de possibilité de suivre son dossier à certaines étapes, contraignent de nombreux porteurs de projet à l’abandon. Pourtant en France, en Guinée, au Gabon, au Cameroun et dans bien d’autres pays francophones, la création d’une association est une simple affaire que des services de Préfecture gèrent rapidement. Au cœur de cette nébuleuse, le service vie associative de la Direction générale de l’administration et de territoire (DGAT) qui occupe les anciens locaux de l’ONUCI (opération des Nations Unies en Côte d’ivoire) à Cocody, un quartier d’Abidjan.
En Côte d’Ivoire, la loi N°60-315 du 21 septembre 1960 qui régit les associations semble caduque et devrait être améliorée, au regard d’une proposition des organisations de la société civile réunies dans le cadre du projet LIANE (www.rliane), remise au Ministère d’Etat, Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité (MEMIS) le 13 novembre 2015. Cette loi, qui ne donne aucune précision sur la différence entre association et ONG, invite tout porteur de projet d’association sur le territoire ivoirien à l’inscrire obligatoirement. Une exigence qui annonce le calvaire des requérants.
Si vous avez en projet de créer une association, une ONG en Côte d’Ivoire, soyez simplement prêt financièrement, physiquement patient et moralement endurant. Chacune des étapes est une croix à douleur variable. Le moral, le courage, l’ambition, l’enthousiasme, ne peuvent rien devant l’argent. Nerf de la guerre. Le mot de la paix. L’argent. Qui n’en veut pas ? Qui n’en raffole pas ? Qui en a assez et qui n’en veut pas encore ? Plus ? Ha. Celui qui l’a créé fut à la base de plus d’un vice. Dans une civilisation, des guerriers se mobilisaient pour aller chercher une belle ravie par un bel homme. Paris, fils de Priam vola l’Hélène de Ménélas. Mais chemin faisant l’argent, les butins divisèrent les Argiens. Achille, fâché contre Agamemnon, se mit à côté. Bref. L’argent, c’est la raison de tout. Mais suffit-il dans notre cas? Suivons chacune des étapes de la procédure qui se découvre au fil de la progression d’un dossier.
#La préfecture d’Abidjan ou toute autre…
Le projet de création d’une association en Côte d’Ivoire commence par la Préfecture. Nous prenons notre exemple sur celle d’Abidjan. C’est, dira-t-on l’étape la plus cool. Il faut passer par le hall d’information pour voir le contenu du dossier à fournir. Les informations au hall coûtent environ 2000 FCFA. En contrepartie, vous recevrez une copie du dossier type. Ensuite prévoir entre 3000 et 5000 FCFA le jour du dépôt du dossier. Aucun reçu, n’est remis à ces étapes pour les sommes déboursées par le requérant.
Ceux qui reçoivent les requérants posent souvent des questions aux tons aromatisés de colère et/ou de morale. Ils tiennent les documents et demandent l’objet et le sujet, etc. Leurs questions sont souvent irritantes…
A l’issue du dépôt de la demande, la Préfecture délivre une semaine plus tard, un récépissé de demande d’immatriculation signé par le Préfet. Le document, qui semble être en réalité, un reçu, reçoit automatiquement l’onction de celui qui le transmet, pour pouvoir faire fonctionner votre affaire. « Avec ça vous pouvez déjà commencer à fonctionner », laisse-t-on entendre. Mais ce document qui ne porte que la mention des documents fourni, peut-il servir à ouvrir un compte bancaire ? Non.
Le service des renseignements généraux de la sûreté
Les dossiers de demande sont acheminés à la Direction générale de la police, pour nécessité d’enquête de moralité. Cette enquête porte sur trois membres de l’association : le Président, le Secrétaire général et le Trésorier général. Les officiers des renseignements généraux avertissent : « Je n’ai pas d’ordinateur, j’utilise ma propre imprimante donc vous aller payer mon encre à 35.000 FCFA, le papier rame aussi, il faut un paquet. Après nous irons voir votre siège, mais il vous reviendra de supporter les frais de notre déplacement, nous n’avons pas de véhicule pour ça… Commencer par aller acheter au secrétariat les imprimés à 450 FCFA… » Une chose est certaine, les personnes rencontrées au cours de cette étape feront leur travail avec une conscience professionnelle impeccable. Elles vous guideront à chaque étape de l’enquête vers les services concernés. Vous aurez l’occasion de découvrir la précarité dans laquelle elles accomplissent leur devoir : juste une table et une chaise. Pour le reste, Allah n’est pas obligé.
A l’issue de l’étape, un rapport sera dressé. Vous retournez à la Préfecture, qui vous orientera vers la Direction générale de l’administration du territoire (DGAT) située à Cocody. Là commence le calvaire du requérant.
#L’étape fatidique de la DGAT
La direction de la vie associative de la DGAT reçoit les dossiers des associations pour traitement avant la signature du récépissé de déclaration. Le petit bureau qui accueille les requérants est bondé de pile de dossiers. Seul Dieu et les occupants sont témoins de la durée de leur présence. Seul Dieu est témoin de la souffrance du nombre de requérants qui attendent la fin de cette étape ou s’en sont lassés.
L’accueil y est correct. Les administrateurs en charge de ce département, indiquent à votre arrivée les pièces manquantes avant de vous dire : « Nous allons vous appeler une fois le dossier traité » tout en vous montrant les lots de papiers qui attendent d’être touché. A ce niveau la durée de la procédure d’instruction du dossier peut varier entre plusieurs mois et plusieurs années. Un, deux, trois, quatre ans souvent. Ce qui est inadmissible pour une simple déclaration d’association.
Selon des avis de demandeurs recueilli, la DGAT empêcherait de nombreux projets de se réaliser ou fait perdre à des demandeurs des opportunités. « Aujourd’hui on crée une entreprise grâce au Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI) en 3 jours, on peut suivre des dossiers fonciers ou des dossiers d’ACD au Ministère de la construction en cliquant sur un simple lien internet du guichet unique de l’habitat, au niveau du transport, le guichet unique résout les questions de déplacements multiples… Mais pour un simple récépissé, après toutes les tracasseries à la préfecture et à la police, les requérants sont bloqués depuis plus d’un an dans un petit bureau à la DGAT pour diantre seul sait quelle raison », confie M. Abomou.
M. Thiémélé Konan avoue être découragé : « Après avoir franchi toutes les étapes, des administrateurs font blocages. Leurs seuls arguments sont : on va vous rappeler, le Ministre ne signe pas de documents comme ça, sa signature est importante et pleine de responsabilité, nous vous reviendrons… Autant d’arguments sans tête ni queue. Dans certains pays comme la France, ou même le Cameroun, la Guinée, le Gabon, c’est le Préfet qui délivre le document. Point besoin de ces tracasseries. »
Enfin selon M. Bamba, « les administrateurs de la DGAT ont du mal à justifier leur amorphisme. Nous avons une idée et des projets, mais ce blocage qui empêche souvent d’ouvrir un compte ou d’être candidats sur des projets, fait perdre beaucoup à l’Etat. A partir du moment où il y a eu enquête de moralité de quoi encore à besoin la DGAT ? Il y a nécessité de créer un guichet unique ou de reformer ce service ou rien ne bouge et qui ne fait rien bouger non plus. Déjà nous fonctionnons depuis 3 ans, mais rien. »
Sur son site internet ou encore sa page Facebook, la DGAT ne donne aucune information concernant les associations. Seuls les groupements politiques ont un espace un peu fourni d’informations non actualisées. Que font donc les responsables de la communication de cette maison ?
Parce que la DGAT ralentie ou bloque les processus de création des associations, de nombreux demandeurs « loupent » des opportunités. Car sans ce sésame, impossible de créer un compte bancaire, de poser sa candidature à un appel, de prouver une existence légale.
Dans un Etat qui dispose d’un Conseil national de la Jeunesse et d’une société civile dynamique, un guichet unique de création devrait être dans l’urgence créé afin de faciliter la délivrance de cet acte.
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