L’épouse, l’époux, les voisins et le téléphone

Article : L’épouse, l’époux, les voisins et le téléphone
Crédit: Aly Badra COULIBALY
18 mai 2021

L’épouse, l’époux, les voisins et le téléphone

Côte d’Ivoire. De nos jours, aux nombres, des raisons qui militent en faveur de l’éclatement de certain couple, ou de la naissance de violence dans les relations, figure le téléphone portable. Ici le cellulaire est l’autre nom du téléphone. Je partage dans ce billet avec vous, une scène dont j’ai été témoin et ou le téléphone est la pomme de discorde.

Cette nuit, fut une nuit de bastonnade. J’entendais, sur fond d’insistance et durant des minutes DONNNE MOI MON TELEPHONE. Une phrase entrecoupée de coups qui avaient tout l’air du bruit de mains d’homme sur le corps d’une femme. Dans tous les cas, ils n’étaient que deux chez eux.

Cette nuit, en rentrant de mon grin (groupe d’intérêt commun où l’on boit le thé en abordant tout type de sujets), j’ai vu le couple de mineurs qui partagent la même cité que moi. N’ayant qu’une place libre, je gare à leur niveau pour le salut protocolaire, un bon bonsoir entre de bons voisins.

Qui part?

C’est elle. Répond l’homme, en la désignant.

Ils venaient de la mine. Ils y travaillaient comme dynamiteur, dans une carrière de gravier.

Elle s’installe confortablement à l’arrière de la jeep de service.

Ma blouse est dans le sac, fais attention, la clé est à l’intérieur. Ce fut la phrase pleine d’affection que lui lança son compagnon, avant que je ne m’éclipse. Je n’imaginais point que cet échange, plein de complicités entre un couple sans histoire pouvait cacher la triste réalité d’une relation dans laquelle, la confiance avait foutu le camp.

Nous arrivons au portail de la Cité Diego. Elle descend, m’ouvre la porte, pour la dernière manœuvre. Puis chacun s’introduit chez lui. Son ménage commença aussitôt, par les bruits de casserole. Moi, le frigidaire, me réservait un reste de salade. Dans tous les cas, mon appétit n’était pas au rendez-vous.

Des sept (7) petites villas qui composent notre cité, ce soir, seules trois familles étaient présentes. Généralement, les voisins Gendarmes sont absents. Les deux autres familles, repues par les travaux  dans leur magasin respectif, éteignent les lumières de leur véranda tôt, et se laissent emporter par le sommeil.

Une fois, les affaires courantes domestiques évacuées (bain et vérification des travaux des deux patrons, je file vers mon reste de salade. Hélas, les deux patrons  s’étaient servis. Tout de même, un garba, traînait.  Je le réquisitionne.

Le dîner express achevé, j’allume mon PC. Je clique sur la suite de mon bout de 24h Chrono, la Saison 9. Juste à côté, ouvert, était le dernier livre d’un de mes maîtres, le Prof. Yacouba Konaté.

Des bruits, commençaient à déchirer le silence paisible de cette nuit. De chez moi, en face, j’entendais des voix et des meubles voler.

DONNE MON PORTABLE. Scandait, durant plus de dix minutes, la femme. Puis de violents bruits de claquement de porte.

Entre les deux maisons, la véranda, la cours, le portail, un parking de 5m et le même itinéraire chez eux. Je fus tenté de sortir pour demander pardon. Je suis resté à l’affut de moindres autres bruits des autres voisins, ayant été dérangés ou réveillés par les bruits d’en face, pour aller demander pardon. Car, il était tard et la violence dans la colère pouvait avoir des conséquences difficiles à réparer. Mais rien. Personne n’a bougé. Aucune lumière ne s’est fait remarquer. Et les bruits de voix et de meubles commençaient à prendre du volume.

DONNE MON PORTABLE. Cria, encore la femme. Puis de violents bruits de verre.

J’allume les lumières extérieures avec le secret espoir que cela mettra fin à la curiosité de l’homme ayant pris en otage ce fameux téléphone, dont le contenu semblait de haute importance. Un long silence s’observa. Puis, encore des bruits.

– DONNE MON PORTABLE. Intima ma passagère d’il y a quelques heures. Puis de violents bruits de je ne sais plus quoi.

J’ouvre la porte, avec fracas. Le temps s’arrêta. Silence. Puis encore des bruits et des supplications. Le mal, semblait fait. Dans le duel dont l’objet du premier était de découvrir le contenu du téléphone et la seconde de maintenir secret ce fameux contenu – des coups sont partis. Le sang a quitté son cours par la force des coups. Dans le silence, un cri de douleur annonce :

– TU M’AS BLESSE. DONNE MON PORTABLE.

L’homme savait qu’il était seul dans la cité et que les voisins ne viendraient pas. Sa scène de jalousie ou d’amour nocturne et de vérification d’un objet de soupçon d’infidélité ou de tromperie s’est heurtée à une volonté rigide. Elle disait ne rien se reprocher. Elle criait en réclamant son PORTABLE. Et lui alignait les coups.

Cette nuit, ma voisine se fit battre. Cette nuit, le PORTABLE et son maudit contenu, a fait des voisins des hommes INCAPABLES, des témoins complices, aussi.

Violence conjugale. Violence basée sur le genre.  Tout part, souvent d’un motif banal : un soupçon d’infidélité dont les preuves sont contenues dans un échange sur les réseaux sociaux. Femme, la tromperie et l’infidélité commence dès que vous prenez le numéro d’un autre. Femme, l’infidélité débute quand vous appeler un autre homme, coco, chérie.

Il est difficile pour un voisin, qui n’a pas l’habitude de s’immiscer dans la vie d’une famille de courir faire le pompier aux premiers bruits de querelle. Il est difficile pour des gens qui ne se saluent que dans le parking, avec un sourire de bons procédés, de partir dire : Voisin s’il te plait, s’il vous plait, arrêtes / arrêtez…

Souvent, certaines situation empêchent littéralement de faire quoi que ce soit, pour éviter d’entendre A NOUVEAU : « Ce ne sont pas vos oignons.», « Ne vous en mêlez-pas.», « Je vous respecte hein, mais ne venez pas parler dans notre affaire. »

Pourtant, se mêler des oignons des autres qui perturbent votre quiétude, peut faire éviter biens de désagréments, d’infortunes nocturnes, peu importe, si la qualité du regard que l’on pose sur l’autre, peut en pâtir.

Comme le dit M. le libre penseur Mamadou Touré de Korhogo dans une de ses brèves – conseils : « Il est mieux, dans mille et un cas, que vous femme, souvent, arrêtiez ces petits gestes anodins, qui peuvent réveiller des démons.

– Un homme vous demande votre numéro : signifiez-lui votre statut, c’est plus respectable, si vous sondez ses intentions

– Si vous remettez votre numéro au premier demandeur, signifiez lui vos moment de réception d’appel et de texte, ce permet d’éviter de nombreuses interprétations et suspicions

– Si vous avez un homme, aussi, homme et imparfait soit-il, accorder lui le respect et la considération, qui éloignent, tout soupçon de trahison et qui menacent la stabilité du couple, de la relation…

En amitié, en couple, en concubinage, dans le ménage, la confiance, le respect…font durer la paix.

Hommes, disciplinez-vous. Quand on parle au chien, il faut aussi parler à l’os et inversement. »

Etre souvent proche de la scène et se sentir incapable d’agir. On devient coupable malgré soit d’entendre une femme, crier sous les coups. On regarde dans le voisinage. On se rend compte que tous les voisins sont éveillés par le bruit, mais personne n’ose faire le premier pas de secours ou d’interpellation ou de dénonciation. C’est aussi cela une réalité.

D’ailleurs que cherche l’homme dans la messagerie de la femme? Comment en est-il arrivé au soupçon qu’elle contient une information de tromperie, d’infidélité…?

Et puis que peut bien cacher une femme, si elle se sent innocente dans cette fichue messagerie, au point où refuser de faire voir, devient l’objet de querelle nocturne qui ne tarde pas à virer à la bastonnade.

Et on se dit depuis sa terrasse, ce ne sont pas mes oignons.

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