Les garibous, ces enfants mendiants sans droits

Article : Les garibous, ces enfants mendiants sans droits
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22 octobre 2018

Les garibous, ces enfants mendiants sans droits

Enfant Garibou à Ouagolo, Ph. Aly Coulibaly

Au lendemain de la célébration de la journée africaine des Droits de l’Homme, célébrée le 21 octobre, nous pensons à ces enfants élèves des écoles coraniques appelés « garibous », dans le nord de la Côte d’Ivoire et qui pratiquent la mendicité pour vivre. Impossible, à partir de Bouaké en remontant vers le Nord du pays, de ne pas les apercevoir dans les gares routières, lorsqu’un véhicule marque un arrêt pour une quelconque raison. Des hordes d’enfants mal vêtus, en haillons et sans chaussures, portant des boites au contenu souvent dégueulasse, à cause de la superposition d’aliments aux origines diverses qui s’y trouvent.

Pourtant en Côte d’Ivoire, la loi interdit la mendicité et impose l’école obligatoire pour tous jusqu’à l’âge de 16 ans. La question reste de savoir comment, dans ces zones, ces enfants échappent à la rigueur de la loi ? Pourquoi les autorités de ces espaces laissent le phénomène continuer ? Et comment les gens considèrent-ils ces enfants ?

Ils suscitent la pitié

Comme des mouches, ils sont partout. Souvent, leur vue suscite pitié et révolte. Comment des cultures peuvent-elles être aussi irrespectueuses des droits au point de laisser des enfants à leur sors dans la nature ?

En 2012, j’ai, au cours d’un voyage, été affecté par ce sentiment de pitié. Je me suis laissé émouvoir par un garibou à Ouagolodougou, ville frontalière avec le Burkina-Faso.

Il s’est précipité pour prendre la bouteille de 33 cl que je venais de mettre dans ce qui servait de poubelle à cette poussiéreuse frontière. Il admirait le contenu vide et j’imaginais qu’il rêvait d’en boire. Pendant un long moment, il a épié tous les passagers qui se trouvaient au sale poste de contrôle sanitaire.

Un système corrompu

En Côte d’Ivoire, les agents sont exigeants envers les voyageurs. Ils prétendent s’inquiéter pour leur santé, les obligent à faire des vaccins sous le prétexte qu’une épidémie de je-ne-sais-quoi est annoncée, seul justificatif pour imposer l’achat des carnets jaunes. À défaut de pouvoir le faire, le passager peut glisser quelques billets à ces douaniers, dont  les viscères sont rongées par la corruption, ou encore à ces agent de la santé, qui sont plus rustres que ceux de la grande muette possédant une arme.

Aux frontières ivoiriennes, en allant au Mali ou au Burkina-Faso, nos agents des forces de l’ordre sont le contraire de ceux d’ailleurs. Ils louent au quotidien le bon commandant qui a inspiré leur affectation en ce lieu où l’argent circule. Et quand vous les dépassez, somnolant dans leur hamac, la bedaine devant entre midi et deux, laissant les véhicules personnelles aller et venir et faisant chier les passagers des véhicules des transports commun, vous vous souvenez automatiquement des images de flics dans KIMBO et KINTA… La bulle du sommeil, indiquant les calculs qu’ils se font, songeant déjà au terrain qu’ils achèteraient, ou qu’ils ont acheté, l’immeuble R+X qu’ils déposeront sur un terrain qui sort d’un litige traditionnel et qu’ils ont dû arracher à coup de millions… Bref, à coté de tout ce décor institutionnel souvent irritant, se trouve la racaille humaine, la honte de l’Afrique, les ouvriers de la corruption sur le terrain.

Ces petits mendiants qui sont partout dans le Nord du pays, dans les villes des hautes autorités du pays, le long des voies, courant après tous les véhicules, s’approchant de tous voyageurs, sont le produit d’un État qui manque d’honnêteté vis-à-vis de ses propres décisions.

un Garibou à Ouangolo – Ph.Aly COULIBALY

 

Les coupables : la religion ou la culture

Ces enfants à l’origine sont des élèves. Ils sont en majorité peuls. Ils viennent de toutes les contrées du Nord : Mali, Burkina-Faso, mais aussi de l’intérieur du pays. Ils sont confiés par leurs parents à des maîtres coraniques. Ces derniers ne s’engagent qu’à leur faire boire le Saint Coran sans s’engager aucunement à nourrir leur panse. Ces derniers reçoivent de l’argent des parents pour leur prestation. Ainsi livrés, à eux-mêmes, ils se trouvent dans l’obligation d’aller mendier pendant les moments de repas. Des rumeurs laissent entendre qu’ils ont devoir de rapporter un butin aux maîtres.

Victimes souvent de brimades venant de leurs aînés, de violences verbales de la part des populations, qui les trouvent souvent dérangeant et sans éducation, ces enfants mangent et souvent dorment partout où la nuit les trouve. Pourtant, manger, avoir un toit, des vêtements décents sont des éléments fondamentaux des droits des enfants. Dieu dans sa mansuétude, les garde, les protège et ça roule pour eux, tandis que leurs parents sont loin, à suivre le bétail.

Que faire?

L’idéal : faire appliquer à la règle les textes de lois et punir tous les parents qui encouragent ce type de pratiques. Cette mesure viserait à assainir les rues du Nord du pays et à faire jouir de leurs droits fondamentaux ces enfants. Mais l’État le peut-il, ou le veut-il seulement ? Je me pose la question.

L’école étant obligatoire et gratuite, il faut intégrer les maîtres coraniques dans des processus de formation aux normes nationales. Une cartographie de ces derniers s’impose afin de les inviter chaque année à des sessions de formations, dont l’une des finalités seraient d’améliorer les conditions de vie et d’éducation de ces enfants.

L’État à travers ses structures décentralisées et spécialisées peut aussi permettre à ses enfants d’intégrer le système scolaire classique en ouvrant des cours du soir avec des enseignants qualifiés. Ces enfants donc, après les journées à l’écoles coraniques, pourraient se rendre les soirs, pour bénéficier de cours et suivre un cursus scolaire normal.

Et enfin, appuyer les organisations de la société civiles qui s’occupent de la question.

Ce sont des propositions possibles…

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