Référendum 2016 en Côte d’Ivoire, le NON pouvait l’emporter si…

Article : Référendum 2016 en Côte d’Ivoire, le NON pouvait l’emporter si…
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2 novembre 2016

Référendum 2016 en Côte d’Ivoire, le NON pouvait l’emporter si…

Bulletin du OUI rapporté par un citoyen (Ph.ED)
Bulletin du OUI rapporté par un citoyen (Ph.ED)

Enfin, Youssouf Bakayoko, Président de la CEI, a proclamé au peuple ivoirien, les résultats provisoires du Référendum 2016. Nombreux appelés aux urnes, pour multiples raisons, pour peu de réactions. Seulement 42,42% de taux de participation. Mais le OUI a damé le pion avec avec 93,42% sur le NON qui ‘en sort avec un 6%. La 3e République est là. Il faut l’assumer, non moins sans bilan.

Un bilan qui sera acclamé dans les rangs du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), la coalition au pouvoir, parce que le OUI arrive en tête avec 93,42% contre 6, 58% pour le NON. Le président Alassane Ouattara (ADO) ne devrait pas être surpris, lui qui avait souhaité un score de 96%. Les membres de la coalition du Front du Non aussi devraient se réjouir, car avec un tel taux de participation, ADO devra retenir, que même seul, il reste incapable de mobiliser la moitié des 6 millions d’électeurs ivoiriens. Un score, à tout le moins, qui devrait l’interpeller, en espérant qu’a une de ses nouvelles apparitions, il ne déclare sa surprise, comme à ses habitudes, lorsque le pays traverse des moments critiques.

Flashback sur la journée du 30 octobre…

Abidjan, le 30 octobre 2016, jour du référendum très attendu fut un jour calme, ordinaire. Les ivoiriens de la capitale, tout comme ceux de certaines villes de l’intérieur du pays comme Sogon, Dabou, Grand-Lahou et San-Pédro, ne semblaient pas se précipiter vers les lieux de vote. Pourtant l’enjeu, en valait d’une certaine manière, la peine pour deux raisons : D’un, parce que voter un acte citoyen et qu’il s’agissait de se prononcer démocratiquement sur la nouvelle loi fondamentale, qui inaugurera l’ère de la 3e République et qui engagera l’avenir et le destin de tous les ivoiriens peu importe l’obédience politique. Et de deux, parce qu’il y a eu au moins 15 milliards de Francs CFA, d’investissement dans cette affaire. 15 milliards. La somme résonne. Elle a été puisée dans les fonds du contribuable ivoirien. Alors chacun devrait aller voter. Malheureusement, les ivoiriens, pour une grande part ne l’ont pas compris ainsi. Il fallait déserter, « pour montrer aux hommes du pouvoir, qu’ils ne sont pas les seuls intelligents et qu’ils devraient aussi prendre la politesse, de prendre en compte, les préoccupations et avis du peuple. » m’a confié un ami, irréductible. Si les ivoiriens ne se sont pas bousculés pour aller accomplir leur devoir citoyen, ce référendum à le mérite d’avoir réunis les anciens compagnons de Laurent Gbagbo.

Le Front les frères ennemis réunis pour/par la circonstance…

Unis nous sommes forts. Divisés, nous sommes faibles. Forts surement, ils ne l’étaient tous pas dans leurs micro partis politiques invisibles qu’en des moments d’élections, nées de la dislocation des anciens camarades du Front Populaire Ivoirien (FPI). Le FPI est fragilisé par une querelle intestine de succession et de vision entre un Aboudramane Sangaré et un Affi Nguessan. Le parti de Daniel Boni-Clavrerie, transfuge du PDCI, est inconnu tout comme celui du pharmacien Bamba Morifere (dont les deux enfants trônent au pouvoir : l’un à la CEI et l’autre ministre de la République selon la rumeur). Enfin LIDER de Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale, sous l’ère Gbagbo, semble, ne plus avoir de membres.

Jamais en Côte d’Ivoire, un projet de reforme constitutionnel, n’a fait couler autant d’encres, de sueurs, de salives et peu de sang. Jamais une question de référendum, n’a si captivé, réunie les opposants idéologiques, les divorcés politiques etc. que celle introduite par le clan Ouattara et la coalition RHDP.

Le référendum leur a donc donné l’occasion de s’unir, afin d’espérer avoir une voix qui porte. Mais dans ce pays, pour qu’une voix porte, il faut avoir les moyens humains et financiers. On ne peut pas douter qu’ils soient incapables de réunir la première condition, mais la seconde, reste une condition difficile. Car ils ne sont plus au pouvoir, pour puiser dans les caisses de l’Etat. Qui à la pouvoir, à les hommes.

Ils se sont donc mis ensemble, pour inviter au NON, inciter à la chienlit, susciter le boycott.

Entre autre argument du Front du Refus, le processus de rédaction du projet fut exclusif. Pourtant, le fait que Ouraga Obou, éminent enseignant de droit, proche du FPI, celui qui eu à présider, le groupe de travail de la constitution de 2000, n’est-il pas un signe suffisant, d’inclusion ? Cette présence d’un tel, homme, commandité par Alassane Ouattara, ne peut-elle pas être interprété, comme une volonté du Président de la République, d’exploiter toutes les compétences ivoiriennes fussent-elles d’un proche du Clan de Gbagbo, comme Ouraga Obou ? Pour les membres du Front du Non, répondre par un OUI, serait faire preuve de mauvaise foi. Mais c’est aussi cela la politique.

Aussi, que le projet de Constitution, a été écrit par un cercle de 10 juristes commandités par Alassane Ouattara et voté par une Assemblée nationale acquise à sa cause, au mépris des amendements fait par des députés et aussi rejetés parce que, tout simplement, Alassane Ouattara et le sphinx de Daoukro, Henri Konan Bédié – toujours ruminant sa déchéance – n’entendaient pas modifier quoi que ce soit au texte, est une attitude anti-démocratique.

Enfin, une autre raison, comme on a pu l’entendre dire, c’est que Alassane Ouattara et son groupe, voudraient s’accaparer éternellement le pouvoir, en créant des Institutions budgétivores (Un Senat), en ayant la possibilité de modifier à souhait les textes fondamentaux sans consulter le peuple, et en vendant le pays aux étrangers…

Chacun des arguments du Front du Non a un sens dans une certaine logique, qui ne semble pas être en adéquation, avec celle des porteurs du Projet qui ont remplis Abidjan par des pompeux et souvent risibles slogans : OUI POUR LA PAIX (Donc y a pas de paix ?), OUI POUR LA COHESION (Donc on n’est pas unis ?) OUI POUR LA MODERNITE (Donc on est encore à l’ère triviale), OUI AU DEVELOPPEMENT (Bon au moins on va sortir de PPTE), OUI A LA RECONCILIATION (Vous allez faire Gbagbo va dire Nian Nian, vous n’avez réconcilié que les houphouetistes comme Fôlôgo, sauf  KKB, Yasmina Ouegnin, Banny…), OUI POUR L’EMPLOI (heuu…Et vos 2 millions d’emplois fictifs là ?)… Des OUI pour blaguer les gens encore…ou non.

Pour l’un ou l’autre des arguments du Front du NON, l’ancienne majorité présidentielle fragmentée, s’est réunifiée comme dans Koh-lanta. Mamadou Koulibaly – qui a refusé l’invitation des blogueurs à débat, parce que ceux-ci n’avaient pas mis sur le visuel son thème – s’est même vu inviter à revenir au FPI par un Affi Nguessan se tenant aux cotés d’un Aboudramane Sangaré. On a aussi vu le retour d’un Bamba Moriféré et d’une Daniel Boni Claverie qui a donné de sa plus belle voix sur les antennes de radios.

« Tous aux Urnes pour un scrutin apaisé et transparent »pour rien…

Un élécteur et le OUI populaire (Ph.Fb Abobo24)
Un élécteur et le OUI populaire (Ph.Fb Abobo24)

 Un slogan, parmi tant d’autres, placardés sur des nombreux murs et panneaux en Côte d’Ivoire. Dans les faits, ce Slogan, n’a pas connus de succès. Si le scrutin, on peu le dire, était apaisé, sauf dans quelques points chauds, on ne pourrait pas, dire que les ivoiriens en ont fait une priorité. La majorité est restée indifférente à l’appel du devoir civique.

Un ami, inscrit à Adjamé, au centre Jean Delafosse, me disait le matin du dimanche « ça fait rire quoi, nous sommes là, pas plus de 0 personnes dans la cours. On nous fait savoir qu’il n’y a pas d’enveloppes pour mettre les bulletins. » Nous étions aux environs de 9h40. A 18h, je reçois un texto d’un ami, président de bureau de vote à San-Pédro : « dans le BV où je suis président, 443 inscrits, 23 votes toute la journée. » A 20h, un autre me relatait ceci : « A l’école plateau de Port-Bouet 2, où j’ai voté vers 11h, il n’y avait pas d’enveloppe. Moi j’ai plié mon bulletin, et je l’ai jeté dedans. Car avec la prédominance des couleurs, impossible de rendre secret son vote ».

Les gens ont fait certes l’indifférent, mais à propos de la transparence, mon passage à mon bureau de vote à Grand-Lahou, m’a donné de faire quatre constats :

  • l’Etat ivoirien, aurait pour faire des économies, en réduisant les dimensions du papier utilisé, surtout que le pays vient d’adopter un des textes des Accords de Paris.
  • le bulletin unique aurait donné un grand crédit à ce scrutin, pour lequel les observateurs ne se sont pas du tout bousculés.
  • les politiciens ivoiriens doivent comprendre que remplir 1000 stades, mobiliser 1000 chefs de villages ou royaumes, envoyer 1000 ministres en mission dans leurs régions, ne sert à rien, si les gens ne savent pas le pourquoi et le quoi.
  • Enfin la jeunesse ne devrait pas se laisser prendre au jeu sacrificiel des politiciens, en faisant du vandalisme, une activité héroïque. Avec les réseaux sociaux, il est désormais facile d’identifier n’importe quel imbécile, qui pense que détruire un bureau de vote est un acte de prouesse.

La politique de la chaise vide est une stratégie, avec trop de limites

« Gros cœur mange pas du riz chaud ». Si les partisans du NON avaient répondu, à l’appel citoyen en allant voter simplement NON, le nombre de bulletin rouge ou nul, auraient fait réduire et/ou basculer les résultats et le souhait d’un score de 96% formulé par ADO. Malheureusement, de nombreux ivoiriens ont adoptés la posture de l’amoureux souffrant de goumin-goumin. Faire comme si on n’est plus intéressé, mais toujours tendre les oreilles, en espérant le miracle. Seuls des hommes exceptionnels envoyés par la Providence, accomplissent des miracles. Ceux qui sont restés chez eux, dans le confort d’un meuble, se tortillant l’esprit en comptant sur la politique du fauteuil vide, ou les résultats de casses et violences commandités, ont donné toutes les chances au OUI de gagner par forfait. Le RDR en a déjà tirer les leçons, d’une bêtise historique en 2000. Pour dire NON, on pouvait massivement, aller voter NON ou BLANC et s’abstenir de casser ou faire casser. Les résultats auraient été peut-être différents que ceux provisoires, proclamés, hier par la CEI. Mais la démocratie aussi exige le respect du choix de chacun. Respectons donc leur position.

La 3e République est là. Assumons, en attendant la confirmation du Conseil constitutionnel.

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