Elles portent le monde, ces femmes

Article : Elles portent le monde, ces femmes
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6 mars 2016

Elles portent le monde, ces femmes

Elles portent le monde, ces femmes d’ici

Femme au marché de légume à Adjamé (Ph.Badra)
Femme au marché de légume à Adjamé (Ph.Badra)

Il est presque 4h du matin. Le muézin encore balbutie entre son réveil et son ablution, pour briser le calme de la nuit, par son strident et bruyant Allah Ô Akbar, que laisse souvent partir un microphone mal réglé…Dehors dans la brume urbaine qui se dilate progressivement sous des lampadaires aux lumières ternes par le manque d’entretien, des vrombissements font entendre le mouvement des premiers véhicules. Ce sont soit les camions de ramassage d’ouvriers des zones industrielles ou des fêtards que la nuit et l’ambiance ont empêché d’échapper à la partie…

En ce moment d’incertitude et d’insécurité, nos femmes ont déjà lavé le visage, pris un semblant de petit déjeuner, fait le feu, pilé le maïs de la bouilli collective, rempli les bouilloires et seaux d’eau chaude pour le bain purificateur des vieux devant aller à la mosquée ou à l’église, apprêté le sac de l’enfant qui doit se rendre à l’école, la valise de l’homme devant se rendre en mission, disséqué et cuit le gibier que le père a ramené de sa chasse nocturne…Elles se réveillent avant le jour, précédent le jour, pour l’organiser…

Au village, dans les campagnes, zones rurales, hameaux, campements…dans le fouillis, le bruit des premières hirondelles, sous le battement des ailes des oiseaux vampires rentrant de leur sordide et nocturne aventure…les bruits des premiers coups de balaies, de pilons, bruits d’écrasement de médicament se font entendre…Dans ce crépuscule matinal, se dessine sur les pistes des champs, sur les routes des marchés, sur les sentiers des marigots des ribambelles de jeunes filles, de jeunes femmes, de vielles femmes, de femmes aux chevilles craquelées par le labeur quotidien, de femmes aux paumes sèches mais doucereuses, femmes chiquant son tabac bâton à la main, le dos courbé et recourbé sous le poids progressif des charges, des coups et des acceptations des pires exigences de ces coutumes souventes-fois iniques, souventes-fois dévalorisantes …

Cuvettes, bassines, calebasses…sur la tête souvent pleines d’eau éclaboussante, souvent vides ou remplis d’outils de nourritures…impressionnant baluchons sur la tête, baluchons de feuilles médicinales, de feuilles comestibles destinés à la vente ou à la cuisine du soir ; fagot, canaris… la charge varie, les distances de même, mais le poids et ses conséquences sur leurs santés, leurs beautés, corps non. Malgré cela leur humeur reste stable. Dans les sillons de leurs mouvements, chants et mélopées accompagnent ces dames aux foulards traînant, aux pagnes multicolores souvent attachés à la hâte…

Dans les villes, les bureaux, les administrations, les marchés, les transports publiques…elles clignotent, klaxonnent, tournent avec frénésie au volant de leurs bolides biens maîtrisés, accélèrent, sur ces motos KTM, Jakarta la croupe seximent mise en évidence, dans ces pagnes, ces basins sublimement taillés par ces tailleurs, jamais au rendez-vous…elles appuient sur l’accélérateurs, ronflent, pédales, se précipitent…Les femmes en ville crient, sourient, discutent, négocient, injurient, chantent, parlent, dealent, lancent des tchrous, écrivent, défilent…mais, toujours pardonnent, acceptent, déclinent poliment ou insolemment, charment, encaissent, construisent, partagent, radotent, rapportent, s’affairent, fument le poison, la viande suspecte, attachent ses jus, ses poudres, se pommadent, se décapent … parce qu’elles veulent toujours plaire, et elles savent se faire plaire, se faire aimer, se faire chouchouter…

Dès 4h du matin, elles sont sur pieds. Sur le chemin de l’école, accompagnant ces bambins réticent au réveil et fuyant le futur bâton de l’instit. Dès cette aube, elles ouvrent les marchés, l’étable déjà dressée, palabrant avec les premiers clients, les premières clientes. Dès l’ouverture du matin et la tombée progressive de la nuit, son sommeil fuit très vite. Elles courent, circulent, se précipitent, apprêtent, arrangent, dressent, redressent…peu importe la rudesse de la nuit et le bilan des ébats du lit conjugal ou non conjugal. Dès le début du jour, la femme devance ou attend son patron, ou à l’inverse, se fait attendre…

Femmes servantes, femmes des cuisines, femmes des bureaux, femmes patronnes, femmes mères, femmes indigentes, femmes mal traitées, femmes seules, femmes ministres, maires, députés, artistes, stars, créatrices, femmes manœuvres, femmes évangélistes,  femmes leaders, femmes…

 Ahoulaba, Talouaklaman, djarabi, Finiti, Bobaraba, Bobaradéni, Wolosso, Wohouwa, Miss lolo, Femmes forme coca cola, guitare…femmes de nuit, femmes de jour, sveltes, tailles fines, gros ventres, teint clair, teint cacao, longues bouches, lèvres roses…il y en a de toutes sortes, de toutes humeurs, de toutes professions, de tout les gabaris…le Bon Dieu en a dessiné de tout modèle…Mais…

Chaque femme des villes, des campagnes imprime sa marque sur le monde ; chaque africaine construit et enchante sa terre ; chaque ivoirienne sert gracieusement la vie…

 Elles portent, elles transportent, elles ont le sourire…

Elles poussent, elles emportent toujours avec sourire…

Elles subissent, elles supportent, elles acceptent avec bon cœur…

Elles courent, elles accourent, elles se précipitent, avec inquiétude et espoir…

Elles marchent, chargent, vendent, cuisinent, allaitent, rassurent, font espérer, comptent, se font complices, rapportent, trahissent, injurient, mais toujours avec amour…

A ces femmes aux sourires envoûtant ; aux brèches démesurées ; aux lèvres tendres, drues, dures ; aux formes débordantes, conciliantes,…

A ces femmes aux paumes craquelées par le labeur des champs et du feu de cuisine aux bois fumant,…

A ces femmes de bureaux, femmes instruites conscientes de leur pouvoir et aux humeurs imprévisibles, aux sourires rares entre midi et deux,…

A ces femmes aux pagnes multicolores, les vendredis, dimanches, jour de marché, de fêtes, de baptêmes, de mariages, de deuils…

A ces femmes komian, féticheuses, gardiennes des secrets des jours et des nuits, aux paroles sacrées, aux salives vénéneuses, rougeâtres, soignantes, …

Femmes qui portent notre monde, notre Afrique, notre terre d’Eburnie…noire, chaude, bouillante, grouillante.

Vous êtes à l’honneur, et en cœur, nous disons, crions, chantons : bonne fête, belle célébration.

Toi, homme

Crains sa malédiction, recherche et blotti-toi dans son affection…

Fuis son odeur, suis son parfum…

Méfies toi de sa colère, poursuit son sourire, sa douceur…

M.TIEMELE-Mlle TAN – Mlle COULIBALY – M COULIBALY Aly

Pour nos mères, nos mamans Femmes, mères, agents de développement.

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