En Côte d’Ivoire, le mot #EBOLA est un code gastronomique
« Qu’est ce que vous avez à manger ? » Si vous posez cette question à une liste d’une vingtaine de restaurants et maquis populaires ivoiriens, on vous citera tout le menu et on terminera pour plus de la moitié et avec un discret et prudent sourire par ceci : « Y Ebola aussi ! » Cette phrase à l’ivoirienne est à la fois une proposition, une information officielle de ce qui officieusement se passe et un code pour simplement vous dire qu’il serve – malgré l’interdiction – de la viande de brousse : agouti, rat, biche, serpent, porc-et-pic… bref tout ce que, de coutume, les chasseurs ont toujours eu l’habitude de ramener dans leurs besaces. A Abidjan dans les communes de Yopougon, Abobo-palmeraie dans la capitale du pays tout comme à Toumodi, Yamoussoukro, Bouaké… à l’intérieur, l’interdit est discrètement consommé. Les restaurants populaires bien connus avant l’arrivée de la maladie à fièvre hémorragique Ebola, bien connus pour leurs menus en viande de brousse, continuent dans la plus grande indiscrétion à faire plaisir aux palais des amoureux de viandes exquises.
Pourtant, depuis l’annonce de la maladie dans les pays limitrophes comme le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, le Sénégal et même le Mali, les autorités ivoiriennes ont formellement interdit la consommation de tous les rongeurs et autres viandes dites de brousse. Il s’agissait de tous les animaux de proie prisés des Ivoiriens et qui sont régulièrement la cible des chasseurs. Entre autres, citons les agoutis, les chauves-souris, les biches… Cette mesure au début a été largement suivie par les Ivoiriens à cause du spectre de la maladie qui décimait les populations voisines. Au début, dans les églises comme dans les mosquées les salutations d’usage étaient même faites avec prudence et dans le pur respect de la loi : à distance. La paix du Christ se faisait en s’inclinant face à son frère par exemple. Il en était de même dans les marchés, écoles et autres institutions où le lavage des mains avec des solutions hydroalcooliques et autres solutés était obligatoirement de rigueur. Avec le temps, les Ivoiriens ont perdu ces bonnes habitudes, ces bons réflexes et ce au vu et au su des services de surveillance d’Etat. C’est comme si l’Etat avait fléchi sa veille et que les Ivoiriens avaient ré-adoptés l’affreuse idée que la « viande cuite à un certain degré tuait Ebola ».
L’existence de marchés clandestins de vente de viande de brousse est une preuve de la faille dans le système de surveillance de l’Etat et donc un signe d’échec si on peut le dire. Que la viande de brousse soit vendue et consommée encore dans les restaurants maintient le risque, un jour – si Ebola devait arriver en Côte d’Ivoire – Dieu nous en préserve – de découverte d’éventuels cas non pas aux frontières, mais aux cœurs des grandes villes ivoiriennes. Shalom
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