Education ivoirienne: LE MOUTON PÉDAGOGIQUE du Mercredi…

Article : Education ivoirienne: LE MOUTON PÉDAGOGIQUE du Mercredi…
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30 mars 2017

Education ivoirienne: LE MOUTON PÉDAGOGIQUE du Mercredi…

Un jeudi, Tour D, 20e étage. Le hasard et une certaine nécessité y ont conduit mes pas.

Devant l’ascendeur du palier abritant la DRH du MENETFP, avant-hier MENET, hier MEN, (chaque remaniement gouvernemental et son lot de changement d’entête. Ha institutions émergentes fortes) deux monsieur en costume vintage.

Leur allure, leurs cravates mal mise, leur costume pas trop à la mode…donnaient l’impression qu’ils venaient de loin et que la nécessité du jour, leur imposait de se parer dans des vêtements auxquels ils ne s’étaient pas encore habitués…

Ils dévisageaient tout, regardaient partout, comme s’ils arrivaient pour la première fois au Plateau. Bon voila. Ces chers messieurs, étaient des Inspecteurs de l’enseignement préscolaire et primaire (IEPP). Les fameux nouveaux IEPP, nommés par décret présidentiel ou arrêté ministériel (je me souviens plus des détails de l’histoire), formés en 2 mois au lieu de 2 ans à l’ENS et déjà prêts à l’emploi. Efficacité bana prouvé hein…

Je l’ai su un peu plus tard, à l’arrivée d’un autre Monsieur, car nous attendions tous, l’unique ascenseur qui, dessert plus de 25 étages…

Le grand monsieur bien costumé semblait être un chef. Il était à ses aises, comme pour dire que c’était un familier du milieu où je me trouvais. Il semblait être un habitué des costumes et des bureaux climatisés du Plateau, contrairement aux deux autres. Il reconnu les deux messieurs en « nouveaux » costume et lança, pour établir la Conversation à haute voix : « les nouveaux inspecteurs ».

Salutations d’usage, petite conversation et chacun dit son lieu d’affectation…moi je vais à Ou…, moi je vais à…

Puis discrètement sur le mode conseil, le grand monsieur leur dit : « Faites tout pour que les cours de mercredi passent. Sans violence, allez-y doucement pour faire comprendre les choses aux administrés. Aussi et surtout, le mouton pédagogique doit disparaître avec vous, car vous êtes des inspecteurs de l’émergence et soyez les ambassadeurs de l’émergence…»

Eux de répondre en cœur et de façon synchronisée « bien sur nous sommes des inspecteurs de l’émergence ».

Que devrais-je retenir de cette conversation tombée, par accident, dans mes oreilles ?

#1- Les cours de mercredi, Djaaaaaa les locataires de la Tour D, du 17e au 20 étage sont au courants (informés) que la reforme, imposée à coup de bâton médiatique et d’intoxication ( du genre…les Instituteurs ont 400.000 comme salaire, c’est beaucoup ; on doit atteindre 1000 heures  de cours, Au Burkina c’est ainsi, Au Mali c’est comme ci…), a du mal à être réellement appliqué. Un ami – je reviendrai sur son histoire – m’a dit…(On va, on ouvre nos classes, on s’assoie, à midi, on ferme nos classes, on rentre chez nous…)

#2- Sur le mouton pédagogique ou cet inique corruption immorale que les IEPP imposent aux nouveaux instituteurs, avant de les titulariser, est une réalité bien connus des cadres du ministère, mais que personne ne dénoncent publiquement. On nous dira : « on n’a pas de preuves ». D’accord, « mais comment le savez vous ? »

De quoi s’agit-il « terre à terre ? » Le mouton pédagogique est une pratique que les IEPP imposent comme préalable à tous enseignants sortis du CAFOP, nouvellement affecté et devant être titularisé dans ses fonctions, après 1 ans de travail gratuit et sans garantit pour l’Etat. Pour avoir le sésame « la signature du document qui titularise », les pauvres, doivent obligatoirement verser aux IEPP, une somme équivalente ou égale au prix d’un mouton. Les Directeurs, ou Conseillers pédagogiques servent généralement de relais entre l’instituteur stagiaire et l’IEPP. Des coupeurs de route.

Autrement dit : Tu sors du CAFOP, sans 1 rond en poche, après avoir longtemps attendu une maigre bourse dont on extrait à la base : balais, javel, cantine et que sais-je encore…. On t’affecte dans une brousse où tu te débrouilles pour te nourrir, te loger, te soigner, te déplacer, pendent au moins 1 ans sans salaire. Le type se sait ton chef. Il sait que tu as besoin de lui et que si tu joue les « loyalistes » « fondamentaliste » « religieux » « connaisseurs de tes droits », tu vas durer là. Il sait que tu as besoin de ton argent (1er mandatement au plus vite)  pour faire ta dote, payer ton salon, acheter ta moto Nidja, KTM, Flèche, Apache etc…pour aller verser une partie chez le prêtre, le pasteur, l’imam et dire merci au Tout Puissant Allah, Dieu, Jéhovah…

Tout ça, il le sait. Il sait aussi que tu es prêt a braver les règles de ta foi, tes principes pour lui verser un dessous de table ignoble. Connaissant ta situation, il te contraigne à leur donner une somme allant entre 50000 et 300000 pour qu’ils viennent faire le travail pour lequel ils sont payés : te titulariser dans tes fonctions pour que tu accomplisses, comme lui ton devoir républicain, après X mois de sacrifices.

Si j’étais instituteur, mon IEPP serait déjà en prison, car je n’hésiterai pas à dénoncer son refus de me titulariser, face à mon refus de lui acheter un mouton. Mais je ne le suis pas. Mon ami, lui, depuis 3 ans est en attente d’un rappel. 3 ans dans un village merdeux, sans eaux, ni électricité, sans logement. Il se débrouille dans une case de fortune à la limite du précaire, lui un excellent diplômé de nos universités bling-bling devenu malgré tout instituteur. S’il s’absence, demande explication ; s’il est malade, il se débrouille pour se soigner ; s’il meurt, tout ce qu’il a fait sera cadeau. Et des charognards cadre du Trésor, trouveront une astuce pour se partager son argent, face à son absence.

Malgré tout, il s’est de-merder pour acheter un mouton à son IEPP. Mais nous sommes en Côte d’Ivoire, un pays émergent, à croissance à 2 chiffres, où l’instituteur adjoint (niveau BEPC) d’après la MENETFP touche l’extraordinaire salaire de 300.000 FCFA, et où impunément le …Mouton pédagogique…continue de brouter dans la poche des pauvres…Je passais…

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