Volontariat et émigration, que doit faire l’Afrique?

Article : Volontariat et émigration, que doit faire l’Afrique?
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26 janvier 2017

Volontariat et émigration, que doit faire l’Afrique?

Les jeunes qui traversent l’océan en pirogue, ceux qui partent de Daloa (Côte d’Ivoire) ou d’ailleurs, qui bravent la fureur des eaux de Lampedusa… ne sont qu’en quête d’une chose : l’espoir. Les nombreux diplômés des universités africaines, les nombreux jeunes du monde rural, recherchent la même chose : l’espoir.

La jeunesse africaine, quelque soit son enthousiasme, est en proie au désespoir. Le chômage fait d’elle une cible manipulable. Ainsi, en quête de bien-être, elle est prête à tout sacrifice, même celui d’essayer une traversée périlleuse pour l’autre bord des côtes méditerranéennes, où elle pourrait trouver un hypothétique bien-être. Les jeunes veulent manger, construire un avenir, vivre sans le stress qui écourte leur espérance de vie. L’espoir est la matrice de toute action, de toute décision, quitte à y laisser la vie.

Si le flux de migrants augmente de jour en jour, si la nouvelle des sinistres en mer ne découragent pas les jeunes africains, s’ils continuent à tenter l’expérience de traversée en s’investissant financièrement et humainement, c’est parce que les Etats africains, n’ont pas encore satisfait leurs besoins primaires : l’occupation qui éloigne de l’oisiveté et qui rapproche de l’espoir. Les Etats africains devraient créer des emplois, ou, à défaut, des services nationaux de volontariat, qui permettraient aux jeunes de s’occuper sainement et de participer par des actions citoyennes, au développement…

Le chômage est une réalité mondiale. Cependant, les pays de l’Europe ont compris que le développement de programmes civiques pourraient aider la jeunesse à mieux se prendre en charge. Cela réduit les pressions sur l’Etat et c’est perçu comme des efforts des gouvernements pour accompagner chacun. En Europe, les jeunes ont la possibilité d’envisager un métier et de bâtir un avenir, même si c’est de plus en plus difficile. Le plombier d’Europe vit de son métier parce le système lui a permis de se considérer comme un professionnel tandis que le plombier africain ne travaille que dans l’informel. En Europe les jeunes bénéficient de nombreux programmes de mobilités universitaires (le plus connu est le programme Erasmus) , combien en existe-t-il en Afrique ? En Europe des programmes de Services civiques, de volontariat, de bénévolat existent et permettent à des jeunes, diplômés ou non, de se diriger vers d’autres cieux pour apprendre et se perfectionner (peu importe l’allocation de subsistance proposée, quand il y en a une). Quelques exemples concrets : le Volontariat International (VI), le Volontariat de Service International (VSI), le Volontariat Européen (VE), le Volontariat de Service Civique (VSC), le Réseau France Volontaire (FV), de nombreuses Ecole d’été ou d’automne… Combien d’Etats africains disposent d’un programme national de volontariat ?

En Afrique, les diplômes ne donnent plus immédiatement l’emploi souhaité. Les jeunes ont des besoins urgents, spécifiques, substantiels, qui attendent l’instauration des politiques objectives bien définies. On constate des efforts dans certains pays, par exemple, en Côte d’ivoire un guichet unique de l’emploi jeunes a été créé sur les cendres de l’Agence de la Promotion de l’Emploi (AGEP)[1]. Des agences étatiques existent dans de nombreux pays mais elles peinent à rivaliser avec les agences privées de recrutement par défaut d’innovation. En Côte d’Ivoire par exemple, l’existence d’une structure comme RMO, qui existe aussi dans d’autres pays de la sous-région, concurrence fortement ces agences d’Etat et passe pour beaucoup plus efficace. En fait, il ne reste qu’aux Etats de proposer des cadres législatifs de reconnaissance du statut de volontaires. Le Burkina Faso est un bel exemple de pays ayant déjà développé ce type de programme.

Le statut de volontaire en Afrique est mal connu. Pourtant, des Etats européens ont développé des expériences de volontariat captivant. Chaque année, de nombreux jeunes européens partent réaliser des projets au delà des limites de leur pays. Ils découvrent de nouvelles cultures, développent de nouvelles compétences et peuvent retourner chez eux avec le sentiment de la capacité de se débrouiller. Se débrouiller, ce n’est point bricoler. Bien au contraire c’est la capacité de pouvoir s’adapter, improviser, innover, entreprendre.

Si on regarde les chiffres, le nombre de candidature aux programmes de volontariat de la Francophonie (VIF)[2] ou l’Union Africaine (AUYVC)[3] est croissant et représente un vivier de compétences variées et cette richesse est pour le moins étonnante. Les Etats qui s’engagent à développer des programmes nationaux de volontariat, pourraient résoudre un temps soit peu, les problèmes de l’émigration, de la délinquance juvénile, du chômage et pourraient réussir à faire naître dans l’esprit de la jeunesse africaine de véritables sentiments de citoyenneté active. Le citoyen actif est l’africain de demain, conscient et fier de la force de son esprit, de la porté universelle de son intelligence, de sa capacité transformatrice et actrice de développement innovant.

Il faudrait que les Etats africains intègrent dans leur plans de développement des programmes de volontariats, ce serait positif pour l’économie, il faut aussi aider à la réinsertion des volontaires internationaux, afin que ceux-ci ne tombent pas dans le désespoir qui conduit au regret de ne pas avoir fuit en Europe, il faudrait que personne ne devienne la risée des autres. Voilà ce qui devrait être dans l’idéal.

 


 

[1]– AGEP : en dehors d’investissement dans la peinture et dans le changement de nom, dans la refonte de son site internet, le changement de tutelle ministérielle, les prestations de cette agence n’ont pas foncièrement évolués, même si les politiciens vous diront le contraire.

[2]– Cf : https://jeunesse.francophonie.org/volontariat En 2007 pas plus de 500 jeunes postulaient au programme de VIF.  Ce chiffre s’est multiplié par environ 10 au fil des années. Les candidatures vont jusqu’à 9000 jeunes postulants en 2016 avec plus de 70% de jeunes Africains. Depuis 2007, près de 300 jeunes francophones ont participé au programme : 51% de femmes, 49% d’hommes, Moyenne d’âge : 28 ans, Ressortissants de 34 pays de la Francophonie. Les volontaires ont réalisés des missions réparties dans 35 pays de la Francophonie. 75% d’entre eux sont originaires des pays du sud et de l’Europe centrale et orientale.

[3]– Pour 2016, on parle de plus de 5000 candidats. Donc environ 5000 jeunes diplômés informés de ce programme, et qui ont pu dans les délais déposer une candidature. Imaginons le nombre en attente de pouvoir le faire.

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Commentaires

Benjamin Yobouet
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Belle analyse très cher ! Il faudrait qu'on arrive tous à comprendre cela.