Chinoiseries dans l’Université Bling-Bling (9e partie) : les toilettes émergentes, ces dames blanches aux joints fragiles

Article : Chinoiseries dans l’Université Bling-Bling (9e partie) : les toilettes émergentes, ces dames blanches aux joints fragiles
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14 juillet 2015

Chinoiseries dans l’Université Bling-Bling (9e partie) : les toilettes émergentes, ces dames blanches aux joints fragiles

Une vue des toilettes jamais montées - UFHB (Ph.ABC)
Une vue des toilettes jamais montées – UFHB (Ph.ABC)

L’Université Felix Houphouët-Boigny (UFHB) de Cocody est un lieu fabuleux. Celles de l’intérieur du pays, le sont aussi. Tout est si beau qu’on imagine que tout va bien. Mais comme le dit cette chronique, elle est frappée du sceau de l’émergence dôyô-dôyô. Il est récurrent que les étudiants se mobilisent pour manifester leur mécontentement, partager leur galère dans ces aires parées de fleurs et de gazons. Il est aussi récurrent que toute volonté de rassemblement pour s’exprimer en toute liberté est systématiquement et tendrement réprimée par le déploiement de CRS et de BAE. A l’UFHB, les policiers arrivent plus vite que le SAMU et les Sapeurs-Pompiers en cas d’urgence.

La liste de ce qui ne va pas, de ce qui est incompréhensible, de ce qui est énervant dans cet univers de l’intelligentsia est loin d’être exhaustive. Le mal a inscrit définitivement ses empreintes dans ces hauts lieux de science malgré tous les efforts consentis pour leur réhabilitation. Le mal. Il faut bien trouver des mots adéquats pour mieux traduire ce que la réhabilitation a coûté à la vielle Université nationale, ce qu’elle a introduit de séduisant, d’enchanteresse, mais hélas de provisoire et de précaire.

En parlant de beau, de provisoire et de précaire, nous jetons dans le cadre de ce billet un regard sur ces nouveautés introduites à l’Université de Cocody rebaptisée Université Felix Houphouët-Boigny de Cocody. Il s’agit de ces belles toilettes préfabriquées, semblables à des boîtes sur pilotis placées çà et là dans l’espace universitaire. Belles, blanches, faites de tôles renflouées d’isolant et montées, sûrement aux derniers moments avant l’inauguration pour une opération de charme et de séduction.

 Avant la réhabilitation, l’Université de Cocody à Abidjan comptait très peu de lieux de soulagement. L’ex FLASH fragmentée en 3 UFR (SHS, LLC, ICA) ne disposait que d’un bâtiment de 8 cabines comme toilette. La FESCI vers fin 2010 avec l’appui du District d’Abidjan a réussi à construire un deuxième avec le matériau issu d’appel à cotisation des étudiants (sable, gravier…) qui devait – selon l’opération lancée à l’époque – servir à construire un amphithéâtre. Une autre opération d’escroquerie soutenue à l’époque par quelques éminents enseignants et qui n’était qu’un projet sans suite évidente. Les URF de droit et d’économie, à elles deux, avait aussi un bâtiment de toilettes d’une sixaine de cabines pour le grand nombre  d’étudiants qu’elles comptent. Il en était de même pour les autres UFR comme celle de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie.

Juste apres 2 ans, les toilletes s'affaissent seules - Coté Forum - ph.ABC
Après 2 ans, les toilettes s’affaissent seules – Coté Forum – ph.ABC

Ces installations demeurent. Mais les concepteurs de l’Université du « départ nouveau » se sont vite rendu compte de l’évidence qu’après avoir repeint l’Université et meublé les salles avec des bancs et tables qui s’abîment à la vitesse du vent, qu’il fallait apporter un élément nouveau au décor trop séduisant qu’ils offraient aux étudiants ivoiriens. Un élément qui attire l’attention et qui ne laisse personne indifférent. Voilà que leur vient à l’idée que l’Université était bâtie pour accueillir des hommes et des femmes qui ont des besoins naturels à satisfaire. Il fallait donc songer à augmenter le nombre de toilettes.

Ils ont eu l’ingénieuse idée, de laisser une entreprise tester ses produits. Le modèle des toilettes défie l’entendement. En effet, on a assisté après les réouvertures des universités, au montage et à l’installation de boîtes blanches préfabriquées. Au début, certains pensaient qu’elles serviraient de points de vente de nourriture, de rafraîchissement, de reprographie. Mais tous ceux qui ont parié dans ce sens ont perdu, car elles se sont révélées être des toilettes.

Blanches, belles au finish, elles avaient fière allure. Cette beauté cachait malheureusement la fragilité de leurs reins joints. Ces toilettes trop luxueuses, montées à la hâte, à la suite certainement d’un constat d’oubli mémorable, ont la particularité d’avoir les qualités de tout produit biodégradable, autodégradable, biogâtable et autogâtable.

Comment imaginer que de pareilles toilettes dignes des plages et bordures de maquis, ont pu être choisi pour un endroit comme le campus ?  Pour une université qui accueille plus de 50.000 étudiants et dont le taux de fréquentation journalier avoisine les 30.000 personnes, on se demande pourquoi on a pu penser à des toilettes si précaires et si luxueuses ? Imaginons la force des jets d’urine d’étudiants déjà énervés par leur condition, imaginons la colère des ventres parfois pressés de libérer ce que leur propriétaires ont englouti au restau U.

Restes de toilettes et conséquences de l'affaissement (Ph. ABC)
Restes de toilettes et conséquences de l’affaissement (Ph. ABC)
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Batiment se disloquant. (Ph.ABC)

Ces toilettes ont été conçus sans regards, ni fausses septiques réellement aménagées. Elles ont été déposées à des endroits stratégiques pour le plaisir sûrement des yeux des visiteurs. La société responsable de leur installation n’a même pas eu le temps de les installer toutes. On peut compter sur l’étendue de l’université 20 bâtiments blancs. Sur cette vingtaine,  seulement une quinzaine restent debout mais clopinant. Trois n’ont jamais été montés tandis que deux autres n’ont pas eu la force de continuer à être debout.  Il n’en reste que des décombres, comme si un tsunami de casseurs et de collecteurs de vieux fer était passé par là. Environ 9 bâtiments sont, pour des raisons qu’Allah seul sait, restés fermés et non fonctionnels. 

Les dames qui s’occupent de l’entretien de du nettoyage de ces lieux sont fatiguées des va-et-vient de ces étudiants pas toujours pas disciplinés, pas toujours bien éduqués,, pas toujours respectueux des espaces publics et des efforts des autres. L’eau coule. Les odeurs se sont installées et souvent le javel manque pour les étouffer. Le plancher s’affaissent doucement, les joints se desserrent progressivement sous le poids des pas qui entrent et qui sortent, des bâtiments se dégradent progressivement.Déjà, il est remarquable que des bâtiments (Celui du Forum de l’Université tout comme ceux l’UFR Maths) sont tombés, dépouillé de leur contenu, bidets, lavabos, robinets, tuyauterie… Leurs tôles serviront à constituer certainement les murs d’une maison de vigile quelque part dans un certain bidon ville de la capitale économique.

Offrir un tel luxe à un Etat émergent et PPTE, c’est une façon de jeter de l’argent par les fenêtres. Pour un pays qualifié de très pauvre et de très endetté, le peu d’argent doit servir à construire du durable. Il faut opter pour des infrastructures durables. C’est-à-dire des bâtiments dont la présence ne fait point regretter la dépense. Certes ces toilettes apportent quelques chose de nouveau au décor OBV de nos universités,  ou l’entretien du gazon semble  passer avant la satisfaction des besoins élémentaires des étudiants, mais elles se présentent comme une ruse pour camoufler la bagatelle somme allouer pour la réhabilitation des universités ivoiriennes.

Une chose est sure. Avec l’annonce que l’espace de l’Université de Cocody sera le village des futurs jeux de la Francophonie, les toilettes seront réhabilitées car devant l’étranger, il faut donner une bonne image.

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