12 mars 2015

Cher velo, Merci pour ces moments

Ph.Eric M/BF2009
Ph.Eric M/BF2009

Mon vélo. Dans mon pays, seuls les élèves et étudiants d’Abidjan ont le privilège d’emprunter le bus, les gbagkas, les woroworo… pour se rendre à l’école…

 Moi, le Bac m’a fait découvrir la capitale. Avant, je ne me déplaisais point dans ma petite ville de l’intérieur du pays où avoir un vélo, une mobylette, était un privilège, une raison d’amitié…

A Grand-Lahou j’avais un vélo. J’en rêvais depuis l’enfance…je n’eus qu’un cadre sans pneu que mon cousin avait bien voulu m’offrir. Le cadre de son vieux vélo d’enfance, n’a servi qu’à être enfourché sur place…Un vélo immobile. Je dirai, un cadre de vélo…Et j’ai appris à faire du vélo en volant quelque fois celui que feu tonton Jack, lorsqu’il venait voir papa…Je l’ai regardé longtemps, je l’ai poussé longtemps, j’ai réussi après longtemps à le monter et un jour, j’ai réussi pour la vie, mes premiers coups de pédale, au CM1, au détriment de la souffrance de mon entrejambe.

En 5e, j’eu enfin un vélo. Mon vélo n’était pas beau, il n’avait aucun charme. Il n’était pas à la mode. Il n’était pas de mon âge. Personne ne l’enviait, à côté des VTT flambants neufs d’Alfred et d’Amos, des BMX extra d’Aristide, de Patricia…

 Avec lui, je ne pouvais prétendre séduire aucune fille, seul son porte bagage pouvait servir à les transporter. En retour, un simple merci me revenait comme récompense.

Mon vélo, c’était un babaniconko. Littéralement bon arrivée papa du champ en Dioula. Un vélo de marque Peugeot comme on en trouvait souvent en Afrique de l’ouest…A cause de sa grandeur et de ma taille, on me surnommait : Le corps flottant…

Je flottais réellement sur mon vélo, mais il me permettait d’aller vite et d’être à l’heure à l’école. Il me permettait d’être dans le club des propriétaires de vélo de mon lycée…il me permettait d’avoir des amis et de rendre des services, selon la demande et l’offre…Et oui…Un vélo est un vélo…

Mon vélo ne demandait qu’un seul carburant, la force des mollets de mes pieds. Il ne pouvait donc pas polluer et faisait de moi un environnementaliste sans que je ne le sache.

 En pédalant, il forgeait mes muscles et me donnait la santé. Je ne le savais pas. Mais c’était bien une réalité…Faire du sport sans le savoir, sur le chemin de l’école, sur les sentiers battus, en campagne…

Mon taco, il en reste encore le cadre. Je l’admire souvent dans le fond de la cuisine noircit de fumée ma mère. Durant 6 longues années, il a rendu plus de service à moi, à mes amis, à mes voisins, à mes enseignants, à mes animaux, à mes plantes, à l’humanité…, qu’il n’eut lui-même de repos…

Mon vélo avait trois grosses cicatrices que la mauvaise peinture dont je l’avais paré pour masquer ses quelques laideur, avait de la peine, à cacher. Soudé 3 fois en 3 endroits du cadre…Mais…du lundi au vendredi et quelques samedis, il me conduisait rek à mon lycée ; à mes réunions des scouts ou en excursion dans un village environnant où jamais je n’aurai imaginé aller seul avant…

Chaque soir, pédalant tout essoufflé, le siège arrière occupé par un sac de pila-ria, de tubercules, de feuilles de patates ou de graminée, pour mes cobayes, mes lapins, il me ramenait de longues distances.

Les dimanches, il me conduisait au champ, pour chercher le fagot de Maman, la bas au loin sur les routes d’Agoudam…

Corps flottants, mon vélo fit de moi, un cascadeur, qui n’avait que pour seul exploit que de faire des dérapages en pleine vitesse…Oui grâce à lui, j’étais tombé amoureux. Amour juvénile. Blandine, Rose…de noms charmants de femmes charmantes…

Cascadeurs, Pit le cascadeur, m’étais-je surnommé dans mes correspondances…mes lettres sécrètes, savamment dissimulées avant l’arrivée de tous dans leurs casiers…Elles prenaient, lisaient, s’imaginaient qui était ce Pit le cascadeur…Je n’avais aucune idée de l’inspiration de ce surnom farfelu, mais mon ami Gonsan et moi, nous marions bien, jusqu’à la découverte de nos gamineries,

On me respectait au final, parce que mon vieux vélo donnait envie d’avoir un vélo…Il était toujours propres et bien graissé…

Et grâce à lui, une communauté de mécaniciens était devenue mes amis…j’avais même des gardes du corps… des protecteurs…On avait rien…On était que des gamins de lycée. Minuscules gamins de lycée, mais on avait ces vélos.

Je ne suis plus au vélo…Mais mon vieux taco, a marqué mon enfance…Warren, Bruno, Soualio, Gérard, Eric…Compagnons d’une époque que le vélo a marqué…

Partagez

Commentaires

Richard Kouassi
Répondre

Félicitations pour ce bel article! Et rassure-toi beaucoup de jeunes Ivoiriens ont une longue histoire avec le vélo.

A.B. Ladji Coulibaly
Répondre

Merci d'etre passé