CAFE TOUBA – CAFE WÔYÔ : Tour d’Afrique de Saveur

Article : CAFE TOUBA – CAFE WÔYÔ : Tour d’Afrique de Saveur
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28 mai 2013

CAFE TOUBA – CAFE WÔYÔ : Tour d’Afrique de Saveur

Buveur de Café touba en plein Dakar (Photo Baba Mahamat)
Buveur de Café touba en plein Dakar (Photo Baba M)

Serge Katenbera, un ami et bloggeur congolais, résident au Brésil m’a inspiré cet article, suite à la publication d’un billet datant d’avril 2013 sur son blog. Depuis, cette idée de redonner le gout de ce fameux café dit Touba à un frère trop loin de son Continent, me trotte dans l’esprit, comme Lucky Luke trotte sur sa monture, las de traquer en vain les Dalton qui ressortent toujours aussi facilement qu’ils entrent en prison.

Serge, suite à son dernier séjour, au pays de la Téranga, n’avait pas pu aimer ce café inventé par un esprit qu’il qualifiait de « tordu…et auquel tout un pays s’était mis ». Il n’a point apprécié en comparaison à l’ataye ce mélange absurde qui se vendait dans toutes les rues de la capitale sénégalaise. Enfin, il n’a pas compris comment 50 traqueurs d’information sur Dakar, sont restés indifférents face à un tel produit, objet de consommation nationale aux vertus dites aphrodisiaques. Les bins bins, les dreadlocks sénégalais, Gorée ho Gorée, le riz ha le riz, les Tags sur les murs, les charrettes, Jokkolabs, CESTI, les véhicules de transport en commun,…ont plus fait l’objet de traitement. Pourtant, Café Touba, omniprésent à tous les coins de rue et lieux inespérés et même à des heures indues, comme le wolof, a été zappé.

Bien évidement, en écrivant et de son aveu, mon ami a voulu faire de l’humour. Humour qui lui a valu une vingtaine de réactions aussi citronnées que tendres de lecteurs aux origines multiples.

A la lecture de son papier, j’ai commenté que « j’en étais choqué ». Bien évidemment, ce commentaire fut le reflet de la réaction que tout amoureux récent, lorsque l’objet de son amour était qualitativement remis en cause. Je me suis à la vérité senti  frustré dans mon amour propre pour le café en général. Pardon indigné. Indigné, comme interpellé, à rappeler à mon ami, ce qu’il a manqué, en n’osant pas savourer ce bon café que d’autres auraient qualifié d’exotique. Indigné au point de vouloir présenter à mon ami, un autre mélange d’un esprit tordu de je ne sais quelle origine, mélange dont une grande partie de la population ivoirienne se méfie, quant à sa concoction et ses vertus : le café WÖYÖ.

Revenons au fameux café Touba. Serge a presque tout dit. Il est vendu partout dans les rues et ruelles sablonneuses de Dakar, pour 50FCFA la coupe. Ce mélange de poudre de café aromatisée au poivre, au gingembre et piment séchés a une saveur atypique et impulse au corps qui le sirote une sensation de chaleur dans ce pays où le climat ruse en déjouant toutes les prévisions météorologiques. S’il  doit son patronyme et sa réputation à Touba une région du Sénégal où une grande confrérie musulmane, les Mourides, se trouve, il est une boisson symbolisant une Afrique plurielle et reconstituée. Surement, les vibrations positives que dégageraient cette région vue son influence religieuse et la faramineuse quantité de bénédictions émises au quotidien par les prêcheurs et prieurs, justifient que chacun veuille porter ce nom pour soit avoir de la chance, ou mériter de figurer aux nombres des futurs admis au paradis, soit se protéger. Mais Passons.

Afrique reconstituée parce que d’un, le Sénégal n’étant pas un pays producteur de café, il serait donc importé d’un autre pays africain. Afrique de l’ouest, centrale, orientale…peu importe, le café qui compose la fameuse poudre ne parle pas sénégalais. De deux le piment sec, le gingembre, le poivre et autres ingrédients qui servent à l’aromatiser viennent de Bissau, du Burkina, de la Côte d’Ivoire, du Gabon et d’ou encore… ? Café Touba, est donc un produit qui établit un pont entre deux Afrique. Centrale et occidentale peut-être orientale.

Café moulu servant à preparer le Touuba et le Woyo
Café moulu servant à préparer le Touba et le Woyo

De l’avis de certains transporteurs, charretiers, petits commerçants ambulants… le café Touba est proche du peuple. Une boisson qui réveille les sens du travailleur lambda. Celui qui du réveil au couché du soleil, sur sa charrette, dans son véhicule, devant son étable, sur les trottoirs ou au Plateau emmerdant les touristes et tous les étrangers qui ne parlent pas wolof, trouve en cette chaude boisson, un compagnon, un médicament… Et oui, ce café serait aussi aimé pour ses vertus. Laxatif car il déconstipe, aphrodisiaque et thérapeutique grâce aux autres éléments qui le constituent. Si je puisse confirmer le premier, je me garde de vous partager mon avis sur le deuxième effet. Encore une fois, passons.

A Abidjan, quand le café devient une affaire de Sénégalais, de Guinéens, de Maliens ou de Gambiens (dans tous les cas, ce sont des pays voisins) il prend le nom de Wôyô. Wôyô dans l’argot ivoirien dit Nouchi signifie-dire, discours, parole, rumeur. Le café Wôyô ivoirien rendrait donc prolixe, bavard. Ou encore, les consommateurs de cette boisson, se retrouvent autour de leur pot, pour bavarder.

Café Wôyô comme Touba est un mélange trouvé par un autre esprit tordu. Un mélange de café moulu aromatisé de poivre, de piment et de gingembre et je ne sais quoi d’autre produit de la nature ou trouvaille des vendeurs. Comme Touba, Wôyô se vend en longueur de journée. Non pas comme de façon ambulante au Sénégal, mais en des points fixes, comme sur des terrasses occidentales. Wôyô ne se vend pas par des ivoiriens. Pour être juste, les ivoiriens qui tiennent des points de vente de café en général et de Wôyô en particulier, sont rares. Pardon peu nombreux. Il parait que l’ivoirien est trop fier pour les petits commerces qui enrichissent les ressortissants des pays ivoiriens peuplant les bidons villes de la capitale et travaillant divers secteurs, de l’appel du muézin à la tombée de la nuit. Wôyô s’est donc l’affaire des étrangers.

A Treichville,ou Treichtown la plus sénégalaise des communes d’Abidjan, là où le nombre de mosquées rivalise avec celui des commerces tenus par les sénégalais, le café Touba devenu Wôyô, coule toute la journée. Il inspire les plus beaux boubous, les plus belles broderies, les plus belles sculptures. Il fait naître des mains arrogantes de Sénégalais bien installés, l’essence de leur savoir-faire, leur talent, même dans les contrefaçons les plus réussies. A Treichtown, les sénégalais ont importé leur goût de la cherté. Le prix du café Wôyô (entre 75 et 100 FCFA le p’tit verre de thé ataye) m’a fait perdre l’envie de prendre mon pot en ces lieux quand le hasard m’y conduit.

Mon Wôyô, je le bois à Yopougon (Poy ou Yop) la plus grande commune du pays et dit-on de la sous région. A Poy ou Yop, on me serre chaque soir 1, 2, 3, 4, 5 pots (verres) au quotidien pour 50 FCFA l’unité. En sachet ou dans un verre, je sirote mon mélange aux origines inconnues, j’écoute les derniers sons du pays (rumeurs) racontés par des chauffeurs, des gnambro (les petits rabatteurs dans les gares routières), des apprentis de Gbaka (véhicule de transport intercommunal), des ouvriers, fonctionnaires, chômeurs, DJ… las de leur journée dans ce pays, où les chiffres sont les indicateurs de « tout va bien ». Passons.

Un sachet de Woyo prêt à être bu (Photo Badra)
Un sachet de Woyo prêt à être bu (Photo Badra)

Ici, le café Wôyô, est le caviar des grouilleurs, des débrouillards, de ces gens qui au quotidien se tue à la tache pour ne pas vivre en dessous de l’EURO symbolique. C’est le stimulant de ceux qui bosse ici et là pour rapporter à la maison la pitance du jour. Wôyô est un motif de retrouvailles, d’échanges…Il est pour certain ce que représentent l’essence et le gasoil pour une voiture. Il donne du tonus et de l’ardeur à l’Apprenti de Gbaka, qui en longueur de journée crie comme un Stentor pour rabattre ses clients. Il aide certain bosser pendant les périodes d’examen. Il permet à d’autres, très grands consommateur de Garba (semoule de manioc farci à la vapeur) d’avoir des anus quiets. Wôyô est un laxatif. On m’a aussi dit qu’il dépanne tous ceux qui ont des problèmes au lit. La dessus, je ne peux me prononcer. Je suis toujours en quête d’une personne qui a déjà été dépanné par Wôyô.

Si, enfin on lui concède des vertus thérapeutiques, à cause certainement des fèves de poivres, il est aussi pour les vendeurs un bon gagne pain. Les conducteurs parait-il y trouvent leur dose quotidienne. Quand ils passent leur commande, au volant de leurs bolides de Gbaka ou de WoroWoro (les taxis), ils brandissent un (1) ou deux (2) doigts. D’après les langues curieuses cela signifierait une ou deux doses. Doses de quoi ? Je vais me renseigner sur la question.

Ouf, café Touba ou Wôyô n’empêche pas la vente, ni la consommation d’autres types de café d’autre qualité. Mais moi, pour me moment, je suis encore au Wôyô. Peut-être qu’un jour, je réussirai à partager mon dada avec mon ami. Car ces cafés sont à l’image d’une Afrique colorée, riche et aux saveurs reconstituées. Chaque pays donne un p’tit brin de soit, pour faire le plaisir de quelques papilles.

Peace.

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Commentaires

Falle YCOSSIE
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que ça fait du bien de se caféiner tôt le matin, bon pour la santé. approprions-nous notre café, combien sont les Africains qui en consomment régulièrement?

A.B. Ladji Coulibaly
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De nombreux Africains consomment le café, parmii lesquels faut s'interroger sur le nombre d'Ivoirien?

willy roger mongon edoo
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Sacré Aly toujours aussi imagé ta plume donne envie de lire les articles. Merci pour cette tasse de Café au goût inimitable! Dont la saveur est reconnaissable même dans un tourbillons d'autres savaurs

Alimou
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Au début, j'ai failli botter en touche. Mais passé les 2 premiers paragraphes de l'article, j'ai senti le Wôyô, porté par ta plume, se glisser tout doucement le long de mon gosier asséché. La version sénégalaise du Wôyô, donc le café Touba, se vend et s'achète aussi dans les dédales des quartiers de Conakry et de Labé (ville du centre). A Labé, le mot "Touba" en langue Poular signifiant pantalon ou, par métaphore ce qu'il cache, le café "Touba" trouve toute sa vertu aphrodisiaque dans le verbe. Pour surfer dans cette vague de rafraichissements, un jour je vous parlerai peut-être de notre Ataya (thé) national qui, plus qu'une boisson, est une attraction pour chômeurs et causeurs.

A.B. Ladji Coulibaly
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Alimou BoBn meme en touche, sur les bancs secs des touches ou dans l'herbe drue de nos terrains brouisailleux ou chauves, les elephants d'ici, s'en sortirait mieux qu'un Silly des mont Nimba ou des environs de sipilou. J'espere que ton ataye, boisson et attraction pour chomeurs et causeurs, s'accompagne de bonne viande ou d'arranchide. Donne nous cette envie d'aller explorer les sentiers battus de Labé. Peace

Serge
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Parfait, je crois que cet article doit être lu en complément du mien, pour créer l'équilibre. Je l'additionne donc à mon texte.
Woyo? je crois que celui l'a inventé est encore plus tordu que l'inventeur du Touba. remarque, ça pourait être toi :P
Je crois vraiment que je ne suis pas fait pour ces expériences exotiques, du piment en plus? tu rigoles...

Merci pour cette agréable lecture.

A.B. Ladji Coulibaly
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Serge, en te lisant, j'ai pouffé de rire. Et a cause de ce pouf, puisqu'etant sur mon Wiko, ma voisine de Gbaka se demande si je ne deviens pas fou. L'idée etait d'apporter un complement. Rien de plus. Esprit tordu par les beautés brésiliennes. peace

Amdy
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Tout d'abord permettez de vous dire que le chocolat( cacaoyer) est plus consommé en Occident que dans les pays tropicaux. De nos jours le café étant le deuxième produit le mieux échangé au monde après le pétrole fait partie de ces élèments créateurs de liens et d'échanges entre les peuples, ce qui est extraordinaire.
Quant au Café Touba celui qui grâce à lui ce café est vendu et consommé dans toutes les grandes capitales du monde à l'origine l'a recommandé pour surtout ses vertus tonifiantes pour le travail. Sachez que si vous parlez du café Touba sa composition c'est uniquement du café et du poivre de Guinée( xylopia aethiopica) toute sa saveur est dans la qualité du café et les conditions de torréfaction.
Pour éviter de heurter la sensibilité des uns et des autres, tachons d'avoir les bonnes informations sur les sujets que nous traitons.

A.B. Ladji Coulibaly
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Serieusement, je ne vous comprend pas. Soit vous n'avez pas lu mon article, soit vous ne l'avez pas compris. L'une impliquant l'autre. Et cela permet de mieux poser ce qui vous derange. Votre commentaire vas dans tous les sens. Je ne parle pas de chocolat, mais de café Touba et Woyo. La composition que vous donnez est disponible sur Wikipedia. et vous la donnez à demi pour justifier vos intentions. Je constates aussi que vous ne connaissez pas le monde. Je suis desolé de vous l'apprendre. Le café est vendu dans tous les pays du monde certes, mais le café touba est vendu dans quelques pays d'Afrique que je connais. Il faut reduire les pretentions à la réalité et poser serieusement ce qui vous heurte dans mon billet. J'approuve votre commentaire pour etre honnete envers moi meme. A bientot. LS

Amdy
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Pour le cacao c'est à titre d'exemple pour vous dire que les plus grands producteurs ne sont pas les plus gros consommateurs. certes le Sénégal n'est pas producteur, mais le café Touba fait penser au Sénégal.
Sûrement je ne suis pas un grand voyageur mais j'ai pu me procurer du café Touba en Amérique du Nord, en Europe central et dans quelques pays Africains chaque fois j'y étais de passage.
Quant au "Garba" ya fohi il est excellent!!!
Vive l'échange, merci!!!

A.B. Ladji Coulibaly
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Super alors AMADY. Je constate que vous revenez à la raison. Vous defendez bien votre produit. Ce n'est pas loin de 'esprit du billet, mama si lui ne defend pas une Marque de Produit. J'ai vecu de long mois en europe de l'est et parfois centrale, Des senegalais oui. Qui y avaient emporté du Café. Comme moi aussi. Mais je ne connaissais pas de café dit Touba. Je l'ai meme decouvert il y a peu de temps. Je conclus que vous n'avez pas compris mon billet. Mais je me rejouis d'une chose, vous ete devenu moins agressif. La Prochaine fois, n'oubliez pas de mettre dans vos colis, la fameuse poudre qui tonifie. CAFE TOUBA made by SAWANE BAWANE. Ici aussi ca se deguste.

Amdy
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Merci, pour ce qui concerne votre article je le trouve très pertinent, open et fédérateur.
Par contre j'ai manqué de le préciser au début mais ma réaction au travers de votre article est destiné à votre ami qui se permet d'utiliser des termes assez péjoratif avec un droit de jugement surprenant. Au lieu de critiquer pour critiquer, proposez qu'il nous propose d'abord les richesses de son terroir pour que nous nous en inspirions. Par ailleurs à aucun moment j'ai été agressif, plutôt correct et réactif. Une fois de + thanks!!!

A.B. Ladji Coulibaly
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Envoyer lui un peu de Touba? il se reveillera.

Serge
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franchement, je ne vois pas pourquoi on devrait demander votre permission avant d'écrire sur le café touba? d'ailleurs Ladji fait l'éloge de cette boisson, par contre moi... et je peux vous dire que personne ne connait ce café au brésil, alors, comme on dit ici... Por favor, né...

Amdy
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Por favor, não... o que?