Ces médecins et pharmaciens malgré eux et tout…

Article : Ces médecins et pharmaciens malgré eux et tout…
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22 octobre 2012

Ces médecins et pharmaciens malgré eux et tout…

Vendeur dans le car sur l'axe Abidjan-Dabou
Vendeur dans le car sur l’axe Abidjan-Dabou

Ils ne sont ni marabouts, ni tradipraticiens ou naturothérapeutes. Ils sont jeunes et ont les verves savoureuses. Les conducteurs et leurs apprentis, les appellent les gbayers. (Ceux qui parlent sans honte). Pour les usagers des transports en commun, ils rendent agréable ou désagréable le voyage par ce qu’ils racontent, vendent. Tout dépend des humeurs individuelles, de la distance à parcourir, de ce qui se débite ou se vend. Ces jeunes hommes, quelque fois des dames, qu’on rencontre ici et là sur le trajet des voyageurs, sont médecins et/ou pharmaciens, malgré eux.

Autoroute du Nord, La Côtière, Tronçon Yopougon- Adjamé ou dans les gares routières et de bus (Gare Nord, Gare Sud), vous rencontrerez de drôles de médecins qui savent ce qu’ils vendent et d’acheteurs, qui après la présentation des produits semblent savoir ce qu’ils achètent ou des personnes, du décor qui témoignent de leur achat ou qui répondent toujours que « c’est bon, j’ai essayé et cela ma soulager ».

Qui sont ces jeunes ? Que vendent-ils ? Pourquoi et comment ? Une incursion dans l’univers des vendeurs de médicaments africains et chinois dans les véhicules de transport commun de Cote d’Ivoire, nous permet d’avoir une idée de ces jeunes devenus célèbrement et à force de pratiques, de vente, de mystification,  des médecins malgré eux et tout. Ils commencent toujours leurs interventions ou imprécations par des excuses pour leur intrusion qui brise le silence d’un voyage. Puis ils saluent et formulent des prières pour demander au seigneur d’accompagner le véhicule à bon port. Ensuite vient la présentation de l’ONG, toujours chinoise, pour laquelle ils travaillent ou qui les a mandaté de vendre, toujours pour le bien des « pauvres parents » dont les difficultés de la vie, de cette vie post crise, invitent à trouver d’autres voies d’accès aux soins toujours pas gratuits.

Partout le scénario est identique. On présente un produit aux origines peu certifiées, mais qui serait disponible même dans des pharmacies officielles, aux prix coûteux en ces lieux et dont les noms et emplacement sont évoqués pour rasséréner et rassurer les auditeurs. Puis, ils avancent l’argument marketing de la promotion avec désignation du prix initial sur la notice. « Nous sommes en promotion et il faut en profiter ». Cette idée jetée permet de capter l’attention des voyageurs et les motive à l’achat. Pourquoi en effet ne pas acheter moins cher ce qui coûterait cher dans une officine ? Il faut donc en profiter. Et voilà l’effet de l’appât. Après les prêches des vendeurs de la place publique, ces derniers sont invités à donner 1000 FCFA, généralement le prix standard, en échange d’un produit.

Ces jeunes vendeurs, débrouillards fins et filous, grands spéculateurs de la langue de bois ou de Molière, fruits des espérances non atteintes du marché de l’emploi et de la débrouille nationale, tous diplômés des Universités et Grandes écoles nationales ont trouver nécessaires, situation obligeant, de monnayer leur savoir faire acquis, en empruntant le chemin très promoteur de la vente des médicaments chinois ou africains. Quand certains ne travaillent pour une ONG qui emprunte, par abus et stratégie, le nom d’une source chinoise, d’autres ont reçus la révélation et la mission d’aider l’humanité grâce à la lumière de l’enfant Jésus ou d’un de leurs célébricismes guérisseurs aïeuls.

Dans tous les cas ils vendent des chinoiseries aux origines ambigües et parfois dangereuses, aux noms dont seuls leurs vendeurs ont le secret de la prononciation, aux notices fabriquées par le petit operateur de saisie du quartier ou souvent écrite dans une langue pas encore découverte par les linguistes et indéchiffrables sur Google. Toutes les hypothèses sont bonnes car l’acheteur se convainc de ce qui se débite à propos du produit et des témoignages effectués par des passagers en quête de cadeaux, de récompenses à la fin du parcours du vendeur.

Celui là vend un liquide, puis propose une plaquette de comprimés aux couleurs carnavalesques pardon du drapeau national. Plus la gélule a de couleurs, plus semble efficace. Des histoires drôles, ridicules, quelques fois choquantes, viennent détendre le rythme de l’atmosphère du voyage. A entendre le vendeur, il possède le secret de toute guérison. Ces trucs présentés soignent les empoisonnements, la fatigue, les maux de reins, les douleurs de ventre, le rhumatisme, les MST. Ils permettent aux vielles personnes de rajeunir, aux hémorroïdaires de crier ouf, à l’empoissonner de sourire à la létalité de son bourreau, à la femme enceinte ou celle aillant des menstrues douloureuses de garder toujours la bonne humeur… Bref, il n’y a point de mal aux solutions introuvables avec ses mecs et ses produits. « Je suis connu et voici mes numéros de téléphones. On m’appelle de partout ou on me fait voyager pour mes produits » ajoutent-ils souvent.

Ce matin en partant à mes courses quotidiennes, un des passagers du Gbaka qui dessert Adjamé, s’est transformé en vendeur d’une recette médicale faite à partir des excréments d’éléphants. « Moi je vends KAKAD’ELEPHANT » indique t’il ; et la marque du produit est sur la notice. Son produit 100% originel, viendrait de la région de Bacanda, sur les rives du fleuve Bandama, une région où, il y avait bel et bien des éléphants. Il y en avait. Y en a-t-il encore ? Ce ne sont, en tout cas, pas des excréments des pauvres éléphants du Zoo d’Abidjan. Ce mouroir où tranquillement chaque animal, attend tranquillement son jour de trépas. Son produit, qu’il n’hésite pas à manger est authentique et riche pour ses vertus thérapeutiques. Ce stupéfiant le KAKA d’éléphant, qui drôlement par sa quantité et sa couleur ressemble aux nombreux excréments de l’abattoir de Port-Bouet, serait bon pour les enfants, les adultes et les vieillards, peu importe le mal.

Pourrait-on se fier à la qualité des produits vendus? Tout relève de la chance. Mais en majorité, les ivoiriens sont devenus créateurs, la nécessité étant mère de toute invention. Les produits quand ils sont chinois, sont entreposés dans des conditions précaires. Ou encore sont bien mal connus de leur vendeur, vu que leur notices sont écrites dans des langues bizarres et mêmes pas cousines du latin et ses dérivés. Aussi les doses prescrites, ainsi que les posologies relèvent de l’inspiration du vendeur. Quant il s’agit des recettes africaines, cela peut être n’importe quoi dans un emballage improvisé et/ou dans un sachet transparent avec une notice. Le médicament peu être constitué de terre salée ou de feuilles banales qu’on ferait passer pour des plantes rares. Il est même possible de voir des poudres d’Aloès Véra concassées. Pourtant cette plante est totalement liquide.

Même si aucun incident n’a encore été signalé, suite à la consommation des médicaments vendus dans les autobus, la santé des ivoiriens ne saurait être autant exposée, pour des raisons de pitance, par ces personnes, qui échappant au contrôle de l’Etat, mènent indirectement une forte concurrence aux officines de pharmacies. On a tant menacé le marché Roxi d’Adjamé de destruction, on a traqué les vendeuses de médicaments dans les rues, faut-il laisser ces jeunes opérer tranquillement ? A chacun de prendre ses responsabilités.

    – Photo de Alyx                                                                                                                                      Alyx

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